Lewis, Drew, Bobby et Ed le narrateur, tous
travaillant en ville et épuisés par leur travail, décident à la demande de Lewis
d’aller se payer une tranche de rigolade et de frissons par la descente en
canoë d’une rivière avant qu’elle ne soit transformée en lac artificiel dans
l’Etat de Georgie aux U.S.A., manière pour eux d’être en quelque sorte parmi les
derniers humains à admirer cette splendide partie du globe avant qu’elle ne
soit définitivement immergée sous des mètres d’eau, mais aussi de se farcir la
tête de sensations comme on peut le faire lors d’une fête foraine. Des
sensations, ils vont en connaître, mais peut-être pas de la forme qu’ils
auraient escomptée, car cette virée va rapidement, mais alors très rapidement
tourner au cauchemar absolu. Leur inexpérience de la navigation, certes, mais
aussi une rencontre décisive et fatale vont faire d’eux des bêtes dont le seul
but devient la survivance dans des gorges hostiles, spectaculaires et sordides.
De loin, la nature est souvent vue comme magnifique et inoffensive par l’homme
dit supérieur et sûr de lui, de sa toute puissance, de sa domination. Comme la
rivière évoquée, ce bouquin secoue et domine le lecteur condamné à subir
l’écriture rêche et brute de DICKEY. Pas de philosophie, juste la survie. Ce
roman ne laisse pas de répit, les quatre comparses vont en chier, c’est tout,
ils vont tout connaître et se forger une expérience en un week-end supérieure à
ce qu’ils ont vécu jusqu’ici durant toute leur existence, ces américains moyens
vont être victimes de leur assurance et vont en rester traumatisés… Pour ceux
qui reviendront. Écrit en 1970
et plus du tout traduit en France depuis 1974 avant la présente traduction chez
GALLMEISTER en 2013, « Délivrance » fut rapidement adapté
magistralement au cinéma par John BOORMAN en 1972 sous forme de film
catastrophe aux paysages sublimes. Aujourd’hui encore, les deux font remonter
les tripes au niveau de la gorge et sont une superbe leçon d’humilité pour
l’homme qui se verrait dompteur de nature. À redécouvrir d’urgence. Le style de DICKEY est
direct, sans fioritures, et ne laisse pas place à la rêverie. Du brut de
décoffrage. L'occasion aussi de rappeler que le nom de ce nouveau blog dont vous vous délectez gaiement n'est peut-être pas le fruit du hasard...
http://www.gallmeister.fr/
(Warren Bismuth)