lundi 19 février 2018

Dumitru CRUDU, Nicoleta ESINENCU & Mihai FUSU « Le septième kafana »


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La Moldavie n’est pas un pays né de l’imaginaire d’HERGÉ pour les aventures de Tintin, non la Moldavie existe, coincée entre la Roumanie et l’Ukraine. C’est aussi accessoirement le pays le plus pauvre d’Europe. Aussi, des femmes, cherchant à nourrir leur famille, à la faire vivre plus ou moins dignement, partent à l’étranger en espérant y trouver du travail, souvent en Europe de l’ouest. Là-bas ce sont pourtant les réseaux mafieux qui s’occupent d’elles et les vendent. Oui, les vendent ! Là-bas elles sont non seulement prostituées de force, mais frappées, violées, torturées, droguées, voire assassinées. Celles qui survivent ne voient pas le fruit de leur labeur, il est empoché directement par leurs macs, souvent albanais. Elles ne viennent pas toutes de Moldavie, certaines débarquent de Roumanie, d’Albanie, de Bulgarie, d’Ukraine et même de Russie. Si elles s’échappent, ces mêmes réseaux les retrouvent pour les revendre, certaines seront vendues jusque dix-huit fois ! Cette pièce de théâtre contemporain donne la parole à celles qui sont revenues de l’enfer, ces femmes esclaves, vendues, prostituées et bien pire. Elle sont six et racontent à tour de rôle l’horreur vécue. D’autres personnages apparaissent, pour les écouter, mais aussi commenter. Les témoignages sont parfois à la limite du soutenable (car ce qui est mis en scène s’appuie sur de vrais témoignages, ce qui rend le récit encore plus poignant, plus pesant), ils sont directs, crus, sans tabou. Les kafana ? Ce sont les bordels, les maisons closes, les lieux de débauche sexuelle dans lesquels sont prisonnières ces femmes innocentes. La préface et la postface sont faites d’informations sur les raisons de cet esclavagisme, la situation politique, sociale, mais sont aussi parsemées de chiffres vertigineux, incluant les prix de vente modiques de ses femmes perdues. Je vous préviens, il vaut mieux lire cette pièce avec un estomac pas trop plein, la postface est particulièrement déchirante sur leurs conditions de vie et le peu de réactions d’organismes publics. C’est aussi l’état pitoyable des Balkans qui est évoqué, sans oublier la mainmise de certains politiciens complices de cette barbarie. Ce témoignage est court, moins de 85 pages, mais il est suffisant pour rendre compte d’une ignominie absolue. Les trois auteur.e.s sont moldaves, ont fait leurs classes dans le théâtre notamment, et livrent ici un document brut de décoffrage sur leur pays. J’oserais presque incérer un pictogramme pour prévenir que les âmes sensibles doivent s’abstenir. Mais non, il faut lire ce témoignage, ne serait-ce que pour connaître une situation extrême, s’informer et se dire que la race humaine peut être décidément complètement dégueulasse. Si vous suivez ce blog régulièrement, vous aurez compris que ce pavé dans la mare est sorti aux Éditions L’ESPACE D’UN INSTANT, éditeur théâtral mais aussi relais entre les peuples. Ce bouquin date de 2005, vous pouvez sans doute encore vous le procurer à l’adresse ci-dessous. Préparez-vous quand même un tantinet psychologiquement, à moins que vous n’ayez un cœur de pierre, ce dont je me permets tout de même de douter…


(Warren Bismuth)

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