Un recueil de vingt nouvelles qui débute
pourtant par un poème de l’auteur pour sa mère, poème qui d’emblée scie les
pattes de par sa remarquable beauté. Dans les nouvelles qui vont suivre, c’est
bien sûr tout l’univers de DE LUCA qui est traversé : le prolétaire
militant, les manifestations, les charges policières, l’amour, en montagne ou
ailleurs, l’alpinisme, les années de plomb en Italie, l’isolement, la vie.
Le
style est comme toujours épuré, avançant très lentement vers l’essentiel,
débarrassé, ébranché de ses morts superflus. Si DE LUCA met ici en scène des
récits variés, c’est toutefois pour atteindre un seul but : le contraire
de un. Quel est-il ? Tout simplement deux. L’homme et la femme, l’homme et
la révolte, l’homme et la montagne. Toujours ces petits souvenirs de jeunesse,
d’odeurs, de sensations sublimées par l’écriture. Toutes les nouvelles sont
axées sur le chiffre deux.
La
famille bien sûr, les aïeuls, là aussi souvenirs d’un temps passé qu’il faut
laisser à sa place même si le raconter fait du bien. Aujourd’hui on parlerait
d’autofiction. Peut-être, mais en tout cas elle est de haut niveau.
Et
puis il y a les phrases qui frappent, en un instant, comme un coup de fouet,
telles des attaques surprises, des raids aériens : « Notre génération était la première d’Europe
qui, à dix-huit ans, n’était pas prise par la peau du cou et envoyée à la
guerre contre une autre jeunesse déclarée ennemie. C’était la première qui
s’affranchissait des conséquences catastrophiques du mot patrie. C’est ainsi
que nous étions patriotes du monde et que nous nous mêlions de ses guerres ».
Parmi celles-ci le Vietnam.
« - Vous avez besoin
d’aide ?
- De quelqu’un qui me
tue ».
DE
LUCA est une sorte de génie du ressassement du XXe siècle, un XXe siècle vu par
les yeux d’un militant anarchiste dont l’injustice le pousse à se révolter,
même s’il faut mettre le paquet et y laisser des plumes. DE LUCA raconte tout
cela, ses combats, ses idéaux, mais aussi ceux qu’il déteste, c’est à la fois
une boule de nerfs sur le fond et une pelote de laine sur la forme : il
introduit une pensée radicale dans un écrin d’or.
En
plein milieu de ce recueil, un autre, sorti des années auparavant :
« Les coups des sens », cinq nouvelles parmi les vingt, chacune
d’elles ayant comme thème l’un des cinq sens, parues originellement en 1993,
puis en 1996 pour la France. « Le contraire de un » est sorti en
2003. Si vous n’êtes pas sensibles aux nouvelles, à ce court format qui ne
permet pas de suffisamment s’attacher à des personnages ou à une atmosphère,
tentez ce recueil, il pourrait fort bien vous faire changer d’avis. Il est
plein de révolte et d’amour, d’humanisme et de rébellion, c’est du DE LUCA pur
jus, il ne peut laisser de marbre.
(Warren
Bismuth)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire