samedi 17 octobre 2020

Yòrgos MANIÒTIS « Le trou du péché »

 


Pièce de théâtre grecque de 2004, ce « Trou du péché » est un rendez-vous des amours dites déviantes et tarifées dans un quartier d’Athènes. Une poignée de travestis y draguent le client avec une liberté de ton absolue. Le public est varié : du pervers à l’éjaculateur précoce en passant par le vieux tendre, le maestro qui aimerait imposer son tempo, ou le photographe voyeur et vicieux. Certains sont là pour fantasmer, d’autres pour consommer sur place. « On dit toujours, les connaisseurs préfèrent le valseur. Mais ils veulent aussi que tu aies des nibards, pour apaiser leur conscience, tu comprends ! »

Seulement, les habitants du quartier voient d’un sale œil ce bordel de plein air. Des milices s’organisent, des chasseurs rappliquent, les flics ne sont pas loin, une rafle se prépare, ou peut-être un lynchage collectif.

En tout cas c’est bien à un début d’émeute auquel nous assistons : les insultes, les invectives pleuvent, deux clans déterminés se font face, le vieux monde endurci et assis sur ses préjugés, et le nouveau en face, fait de tolérance et de revendication de la différence. Une équipe de télévision débarque, on atteint les bas-fonds du voyeurisme et de la mise en scène.

Slogans, cris, projectiles lancés, les scènes deviennent un invraisemblable tumulte, les travestis, considérés comme de véritables sorcières à chasser d’un village, se réfugient dans une citadelle : « Filles libres, filles en colère, nous resterons et nous résisterons !!! Oui, nous résisterons jusqu’à la dernière goutte de sang. Nous nous enfermerons là-haut... ». Pour parachever le tout, une habitante vient de retrouver dans les militantes son frère, devenu sa sœur…

Pièce bruyante, brutale, vive, mais parfaitement maîtrisée grâce à un humour caustique et provocateur jouant sur les mots (« J’ai dit arrêtez !!! Arrêtez !!! Stop ! Stooop !!! Ou je vous arrête !!! »), ce combat, cette lutte sans merci entre travestis et chasseurs est une bien belle allégorie de notre monde et reste d’une actualité brûlante. La pièce fut publiée dans la traduction du célèbre Michel VOLKOVITCH par les éditions L’Espace d’un Instant en 2004, la préface est signée Roger des PRÉS.

https://www.sildav.org/editions-lespace-dun-instant/presentation

(Warren Bismuth)

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