vendredi 5 mars 2021

George ADAM « À l’appel de la liberté »

 


Comme pour la plupart de leurs ouvrages, les éditions de Minuit clandestines (1941-1944), ont fait paraître sous pseudo « À l’appel de la liberté ». Ce Hainaut sur la couverture est en fait George ADAM (1908-1963), qui remanie ici son roman « L’épée dans les reins » pour en faire une nouvelle paraissant le 30 juillet 1944, deux jours avant « Dans la prison » de Jean GUÉHENNO qui sera le tout dernier livre édité par ces éditions clandestines.

1940, des soldats français prisonniers des allemands dans un camp. L’ennui, la frustration de ne pas participer au combat, on tue le temps comme on peut, entre discussions et jeux de carte. Dans toutes les bouches le mot « évasion » est prononcé. Chaque prisonnier se met à rêver : « C’est bien joli d’imaginer qu’on est dehors, et que, lentement, de forêt en forêt, à la faveur des nuits profondes d’octobre, on se glisse vers le sud, vers la liberté. Encore faut-il pouvoir sortir du camp ».

Ce sera pourtant chose faite pour Antoine. Dans son échappée, il trouve refuge chez un paysan qui lui conseille cependant de bien rester terré sans faire de bruit. Quant à l’occupant allemand, le soldat, il est montré en silhouette de coléoptère.

Cette nouvelle peut être lue comme un témoignage, celui d’un soldat devenu passif par la force des choses, et qui tout à coup renoue avec la vie après son évasion : évocations du travail de la terre, de la vie des paysans qui continue loin de la guerre. Et pourtant ils sont solidaires et n’hésitent pas à prendre des risques inconsidérés pour planquer des fuyards. L’action se déroule du côté de Bar-le-duc en Meuse, non loin de la frontière allemande (l’Alsace vient d’être annexée à nouveau par l’Allemagne nazie), ce qui donne du poids au récit. Comment se comporter en zone rurale à proximité du pays qui nous occupe ?

Antoine va ensuite rejoindre Paris, ville qu’il a habitée avant l’humiliation. Il espère y retrouver les saveurs enfouies dans ses souvenirs déjà nostalgiques.

Nouvelle de quelques dizaines de pages, à la fois sensible et pacifiste, mais pas défaitiste, elle est une partie non négligeable de l’édifice de Minuit clandestin, elle représente parfaitement l’état d’esprit de la maison : résistance sans haine dans un but non armé. Ce texte est littéraire, très bien écrit, n’est pas une simple représentation d’une période, il est la non-guerre au sein du conflit mondial et empreint de poésie délicate : « Certes, durant les mois d’inactivité de la « drôle de guerre », pendant les heures de combat au bord du canal des Ardennes, dans le tourbillonnement hébété de la débâcle, au long des mornes et désespérantes journées de la captivité, la petite fleur fragile d’un naïf espoir ne s’était jamais flétrie tout à fait ».

Ce petit bouquin est aujourd’hui difficile à dénicher (il ne fut tiré qu’à quelques centaines d’exemplaires). Mais les éditons Fenixx ont pensé à tout : elles l’ont réédité en version numérique, format qui permet de redécouvrir des textes charnières et pourtant oubliés de notre littérature, mieux : de notre Histoire commune.

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

https://www.fenixx.fr/

(Warren Bismuth)

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