Ce pourrait être un vrai couple constitué, cette femme et cet homme qui échangent, ce pourrait être une sorte de fusion immobile, sous une couette, bien lovés, loin des bruits. Mais non.
Deux êtres. Ils s’aiment. Mais son cœur à lui est pris. Par une autre. Dans une longue poésie, Charlotte MONÉGIER tisse ce cocon d’amour, avec ses trous, ses fuites, ses fantasmes non assouvis. Cet amour est un voyage, qu’importe le moyen pourvu qu’on ait l’ivresse : des bateaux qui déchirent la mer, des gares qui attendent les trains, pour des voyages qui se voudraient toujours plus lointains. Retour dans les grandes métropoles avec l’évocation du métro. À ce titre l’autrice reprend ses ingrédients dilués dans « Voyage(s) », les renforcent.
Ce livre est sous-titré dialogue poétique. Quand parle la femme ? Quand s’exprime l’homme ? Parfois c’est l’imagination qui décide, d’autres fois la conjugaison. Ce texte sent la nostalgie, la mélancolie, une période révolue de l’amour. Des mots reviennent, comme aimantant tous les autres : peau, lèvres, corps, pour un amour non consommé, mais le sera-t-il ?
Des images claquent, s’imposent :
« J’étais encore jeune homme
Ma
mère et mon père étaient partis
Vendre
des larmes au marché
Ils sont faiseurs de larmes
À leur contact souvent je
coule
J’en ai profité pour me
promener
Une voiture m’a pris
Pour me laisser à Houlgate
J’ai marché jusqu’aux Vaches
Noires
Ces roches aiguisées
Dangereuses et altières
Qui dominent le sable et l’immensité de la mer »
Poésie libre, en vers qui le sont tout autant, rimant ou non, à la ponctuation avare comme pour rendre la lecture attentive. Pourrait être intemporelle si la technologie, certes furtive, par le biais des moyens de transports ne venait pas donner quelques indices. Ce dialogue pourrait être intimiste dans un absolu huis clos si une narration ne venait pas l’interrompre, servant de métronome, d’arbitre.
« Je
cours après mon souffle, la jeunesse qui ne part pas
Et ce petit je ne sais quoi
Qui fait tomber mon cœur lorsqu’il
entend ta voix
Je cours comme ça, dans
l’ascenseur
Un peu coincée, la tête
ailleurs
Je cours car je ne veux plus
marcher
Je cours pour avancer
Et parfois dans mon dos
Surgissent les traces
d’autrefois »
L’érotisme vient faire de très discrètes visites derrière un voile pudique. L’essentiel est ailleurs, dans des mouvements simples, répétés, qui font apparaître les sentiments.
Ce petit livre dont la couverture de Stanislas VARIN-BERNIER (2020) est par ailleurs un ravissement, vient de sortir aux éditions Lunatique. Parallèlement, Charlotte MONÉGIER fait paraître un roman « Nulle part ailleurs sur la terre » aux éditions Livres Sans Frontières.
https://www.editions-lunatique.com/
(Warren
Bismuth)
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