Plus de cinq ans après la mort de Jim HARRISON (survenue en mars 2016) paraissait un recueil de chroniques rédigées entre 1970 et 2015, soit environ durant toute l’activité littéraire de l’écrivain, sous-titré « L’amour, l’esprit, la littérature ». « La recherche de l’authentique » s’inscrit comme une suite directe à « Un sacré gueuleton » et pourrait se diviser en trois parties inégales par la longueur et la qualité.
Dans les premières chroniques, Jim se livre à cœur ouvert, sans pitié ni indulgence. Il raconte le passé, les échecs, les tragédies, les dépressions, l’alcool, la coke. Il fait part de certains de ses rêves qui l’ont marqué. Mais toujours avec cet humour aiguisé qui vient dégonfler un hématome. Il évoque les poètes, « ses » poètes, ceux qu’il a révérés très jeune, revient sur sa jeunesse bercée par STEINBECK (l’auteur préféré de son père) ou encore Henry-David THOREAU et son lac Walden. Souvent il en profite pour glisser l’anecdote qui tombe à pic : « En Amérique, nous vivons sous un régime d’oligarchie fondée sur la fortune plutôt qu’en démocratie. Ces dernières années, le lac Walden a été protégé grâce aux efforts et aux dollars de Don Henley, membre de l’ancien groupe de rock’n’roll les Eagles, ce qui ne manque pas de piquant ».
HARRISON aborde son œuvre avec parcimonie, conte les circonstances de l’écriture de « Dalva » alors que les féministes voulaient son scalp, confiant un secret : le personnage de « Dalva » est directement inspiré de la propre sœur de Jim, Judith, tuée avec leur père dans un accident de voiture alors que lui n’avait que 19 ans. Puis HARRISON mentionne son intérêt pour la culture zen, partage des anecdotes, certaines hilarantes, sans oublier les Etats-Unis ruraux, ceux qu’il connaît bien.
La deuxième partie est très (trop !) longue. HARRISON disserte sur la pêche et la chasse. Certes avec des flamboyances de l’esprit, certes en décrivant des paysages à couper le souffle, mais si vous n’êtes pas adepte de ces deux sports, la lecture peut s’avérer monotone voire ennuyeuse, malgré de très intéressantes réflexions et anecdotes sur les différents chiens qu’il a possédés. Et toujours cet humour implacable : « Il est aussi de notoriété publique que nos émotions modifient notre conduite et j’étais au beau milieu d’un mois où neuf de mes livres étaient republiés, après quoi deux films que j’avais co-écrits sortiraient dans les salles de cinéma. La seule raison pour laquelle je n’avais pas de nouvel album 33 tours prévu dans les bacs était que je chante seulement pour mes chiens de chasse ».
La dernière partie est la plus engagée, la plus politico-sociale. On retrouve le Big Jim que l’on aime, pour la défense des Autochtones (les « amérindiens »), le massacre de Wounded Knee, l’évolution des parcs nationaux (où il reprend la trame des revendications d’Edward ABBEY), la politique nationale. Il faut lire cette dernière partie, elle montre un HARRISON offensif et très impliqué dans la préservation de l’environnement.
Chaque chronique est précédée d’une photo, certains de ces clichés sont merveilleux, drôles. Mais soyons honnêtes : ce recueil n’est pas le meilleur des récits de vie d’HARRISON, nous lui préférerons largement « Aventures d’un gourmand vagabond », ou « En marge » et bien plus encore « Le vieux saltimbanque », l’un de ses écrits les plus émouvants, sans oublier une novella méconnue intitulée « Traces » (au sein du recueil « L’été où il faillit mourir ») où il présente des moments de sa vie sous forme de fiction emplie d’introspection.
Cette présente chronique est aussi un prétexte pour glisser quelques mots sur un documentaire sorti en mars au cinéma, « Seule la terre est éternelle », où Jim HARRISON est interviewé durant près de deux heures, et où des images époustouflantes de grands espaces américains sont incrustées magistralement. Tout fan de l’auteur se doit d’aller voir ce film.
Mais terminons avec cette « Recherche de l’authentique » : la préface de Brice MATTHIEUSSENT est pertinente et fouillée, un hommage très marqué au défunt poète. MATTHEIUSSENT, traducteur historique d’HARRISON depuis le début des années 1980, prévient cependant : c’est le dernier livre de l’auteur qu’il traduit.
« Les Nez-Percés avaient parmi eux un petit
groupe de rêveurs et de mystiques qui défendaient la doctrine suivante :
le Pouvoir créateur avait créé la Terre sans marque ni frontière ni division
artificielle. On ne pouvait posséder aucune terre et il était mauvais de se
soumettre à notre gouvernement ».
(Warren Bismuth)
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