À l’origine du mouvement #MeTooThéâtre se trouve la prise de conscience internationale dénonçant les abus, qu’ils soient sexuels, sociétaux, ou de « simples » réflexions, gestes, mots irrespectueux, pressions exercées par des hommes envers la gente féminine. #MeTooThéâtre est né en 2021, autant dire qu’il est encore jeune. Mais déjà suivi. La condition des femmes dans le milieu du théâtre est souvent difficile car humiliante. Vivant en partie de leur corps, elles sont abusées, violentées au quotidien.
Dans ce recueil de discours ou écrits, les femmes s’expriment. Avec rage, colère et détermination, bien décidées à ne plus jouer un rôle secondaire dans l’avenir du théâtre. 25 femmes, 3 anonymes ainsi que 2 hommes témoignent, soit des comportements outranciers dont elles et ils ont été victimes, soit en tant que professionnel.les conscient.es de la mentalité machiste et toxique du milieu théâtral.
Dès la préface en forme de communiqué et de revendication non négociable, le ton offensif est donné. Puis se succèdent des autrices, actrices, metteuses en scène, activistes désireuses de faire porter leur voix. L’homme tout puissant a vécu, il est grand temps de le reléguer dans le placard à souvenir en le badigeonnant de naphtaline. « La guérilla, c’est le harcèlement qui change de camp ». Car, à l’instar de leur aînée Monique WITTIG (citée dès l’amorce du recueil), ces femmes sont des guérillères.
S’organiser, faire bloc, dénoncer, voici ce à quoi doit tendre le mouvement. Il ne doit pas uniquement représenter un hashtag, il doit devenir un terrain de lutte collective, fraternelle, sans exclure, y compris les hommes qui désireraient rejoindre le mouvement.
Qu’en est-il des non dits ? « Il faudrait aussi parler des complices. De ceux et celles qui savent, qui entourent, qui protègent, qui soutiennent les agresseurs. De comment le système patriarcal tient aussi grâce à ça. La réalité est très complexe. Mais il va falloir trancher ». Ce n’est pas un combat des femmes contre les hommes mais bien celui des opressé.es contre leurs oppresseur.euses, uni.es et fort.es.
Être complice, c’est aussi prendre part à un état d’esprit nauséeux par sa propre attitude qui tend à encourager une dérive : « Ainsi, à force de s’adapter à ce milieu blanc, masculin, validiste, élitiste, de ne pas avoir de place, d’être silencié.es, nous acceptons les violences, nous nous conformons à ce que l’on attend de nous, et il peut même arriver que nous en devenions complices ». Contre ces états de fait en forme de clichés, il faut s’organiser et lutter, pointer du doigt, ne plus avoir peur de témoigner. C’est ce que font les courageuses personnalités dans ces pages par des paroles fortes. Elles n’ont plus peur, elle font front, se dressent contre l’oppresseur.
Ce combat, qui devrait être une normalité, est pourtant encore nommé exception. Il ne doit plus l’être, il doit s’étendre, contre l’exercice du pouvoir masculin, c’est bien l’objet de ce livre qui dénonce avec véhémence la toute puissance de l’Homme dans un milieu pourtant jugé progressiste voire avant-gardiste. Les femmes doivent pouvoir travailler avec leur corps sans susciter de tentations mal placées, doivent pouvoir être protégées contre les prédateurs sur leur lieu de travail.
Petit passage par l’Histoire du théâtre, quelques références du matrimoine théâtral. Mais surtout, rester lucides : « Mais il ne faudra pas que notre mouvement en vienne à éclipser les autres combats, même sous couvert de convergence des luttes ».
Après ces témoignages vifs et revendicateurs, une postface en forme de tribune sur l’état des lieux du théâtre en France suivie de propositions, ainsi que les solutions à apporter pour que ce milieu devienne enfin sécurisé et sans danger. Le livre se clôt sur de brefs témoignages anonymes envoyés à l’adresse du collectif #MeTooThéâtre. Pour que plus jamais l’on puisse entendre une phrase du type : « Je veux bien vous laisser faire votre petit truc féministe mais faudrait pas gâcher la fête ! ».
Nécessaire recueil de combat qui vient de paraître aux éditions Libertalia, il est un souffle nouveau dans le paysage culturel et contre-culturel français et international. Les lignes bougent enfin, il est temps de s’engouffrer dans la brèche et de passer à l’action. Ce mouvement #MeTooThéâtre prend de l’ampleur, suivons-le.
https://www.editionslibertalia.com/
(Warren
Bismuth)