mercredi 14 septembre 2022

Mina NAMOUS « Amour, extérieur nuit »

 


La narratrice et héroïne de ce roman se prénomme Sarah. Elle rencontre Karim à Alger, un homme habitant Paris, en visite en Algérie pour affaires. Le courant passe immédiatement entre eux, l’amourette se transforme en grande histoire passionnée. Les deux tourtereaux se revoient à Paris, puis à Londres, et bien sûr régulièrement à Alger la Blanche.

Seulement, Karim est marié. Non pas qu’il soit éperdu de sa femme, mais vous savez ce que c’est : l’habitude, la tendresse, le confort moral. Alors l’idylle entre Sarah et Karim se joue en sourdine, surtout lors de soirées où les deux amants se vouvoient pour ne pas trahir leur complicité.

Mais derrière cette façade, le personnage principal de ce premier roman sensible, nostalgique et sensuel s’appelle Alger. Déambulations dans la ville penchée vers la mer, descriptions de scènes de la vie quotidienne, photographies sur le vif de ses habitants. « Mais une autre séquence m’attend : c’est l’heure de la prière, et les hommes du quartier se dépêchent d’arriver à la mosquée. C’est mon moment préféré. Ils sont de tout genre, de tout âge. Leur seul point commun est ce tapis sous le bras et la direction vers la mosquée. Certains sont pressés et sautillent dans la rue, d’autres traînent le pied. L’air ennuyé ou jovial, ils se retrouvent au bout de la rue et continuent leur marche ensemble. Je les suis jusqu’à ce croisement. J’entends encore leurs voix, celles des petits garçons aussi, puis elles se perdent et je ne peux qu’imaginer ».

Alger, la capitale d’un pays frappé par la violence lors de la tristement célèbre décennie sanglante, que Sarah évoque par petites touches, sans jamais s’enfoncer dans le dédale des faits, atroces. Elle tente d’aimer Karim, malgré l’éloignement, malgré la bague au doigt, malgré l’épuisement. Karim est-il honnête ? Est-il amoureux ? Quittera-t-il sa femme ?

Phrases courtes et dynamiques, brefs chapitres contés au présent et donnant un rythme soutenu au récit, monologues interrogatifs ou confessions secrètes à la ville : « Ma pauvre Alger, nous en étions là », « Amour, extérieur nuit » est un premier roman efficace dans son écriture, son atmosphère, son décor imbriqué dans « Un monde « à la française » en apparence. Mais c’est l’Algérie en réalité, avec ses hommes tristes et espiègles, ses filles comme des caméléons, ses voix chaudes et ses rires en trombe ». Ce roman est le parcours cahoteux de deux personnes de la classe aisée de la population parvenant difficilement à assumer leur amour.

Mina NAMOUS réussit le pari de nous tenir en haleine jusqu’à la dernière page dans un roman empreint de mélancolie : « J’ouvre les fenêtres de la maison, j’aperçois la mer. Tout va mieux. Des photos de mes grands-parents sont encadrées sur les murs, quand ils étaient jeunes, tellement jeunes et beaux. Ils sont côte à côte. Une vieille armoire en verre est remplie de vaisselle et de souvenirs ».

« Amour, extérieur nuit » est la 7e publication d’une toute nouvelle maison d’édition, Dalva, d’après l’héroïne féministe de feu Jim HARRISON. Cette maison a pour but de mettre en avant des textes contemporains d’autrices faisant part de leur univers, leur vie, leur expérience de femmes. Le présent roman est sorti en tout début d’année, alors que Dalva n’avait qu’un peu plus de six mois d’existence. Je suis ému de vous présenter le travail de cette maison d’édition, dont je suis les publications depuis le premier jour (le clin d’œil à Jim HARRISON ne fut évidemment pas étranger à cet intérêt) et que je découvre enfin par un texte à la fois simple et empli d’images fortes. Dalva continue son chemin. Aujourd’hui 14 publications ont vu le jour, nous reparlerons bien entendu de cette maison dans un avenir assez proche.

https://www.editionsdalva.fr/

(Warren Bismuth)

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