dimanche 9 juillet 2023

Iàkovos KAMBANÈLLIS « Personnages pour violon et orchestre »

 


Quatre pièces en une qui se répondent, sont complémentaires. Pour chacune le même sujet : la Grèce, celle de la dictature des Colonels entre 1967 et 1974. Quatre pièces brèves en un acte, qui forment un tout, la société grecque de son temps, écrites deux ans après la fin de la junte, c’est-à-dire en partie encore dans « leur jus ».

« L’homme fidèle » dépeint un citoyen grec effrayé par la possible venue au pouvoir des communistes marxistes-léninistes, l’action se déroulant au milieu des années 1960, soit avant le coup d’État. Puis dans « La femme et l’égaré », une femme communiste reçoit la visite de la police ayant pour ordre d’arrêter son fils. Avec une grande politesse, elle va leur déverser un mépris à peine feutré, résister en tant qu’individu.

La troisième pièce « Panégyrique » est un long monologue halluciné d’une Grèce devenue paranoïaque. La pièce en quatre actes et quatre histoires se referme sur « L’homme encadré » représentant des hommes n’assumant pas leur soutien à la dictature après son effondrement, aimant à rappeler que jadis ils furent même en partie communistes. On n’est jamais trop prudent.

« Personnages pour violon et orchestre », ce sont ces quatre pièces se déroulant dans un ordre chronologique et balayant toute la période de la dictature des Colonels, de son avènement à sa chute. De la petite à la grande Histoire, c’est par le biais d’anonymes que l’auteur nous fait traverser une tragédie nationale. KAMBANÈLLIS disait ne pas être politisé dans ses écrits, être à côté de la politique. À voir. Car ces quatre scénettes paraissent imprégnées de politique jusqu’à leur structure même. Elles présentent tour à tour des personnages aux forts idéaux politiques, souvent adversaires les uns des autres, et surtout uniquement dépeints par leur vision politique et sociale de la Grèce. Qu’ils soient sympathisants fascistes ou communistes, tous vibrent dans une conviction politique très ancrée.

Ces quatre histoires sont à coup sûr une radiographie d’une société grecque en pleine crise, elles sont empreintes de violence, de paranoïa, de lâcheté et de défiance, où le quotidien semble guidé par les changements au sein du pouvoir : « J’ai fait un rêve en commençant cette maison, seulement voilà… La dictature serait tombée six mois plus tard, six mois, pas plus, je montais le deuxième étage, j’aménageais le sous-sol et il serait déjà loué. Je ne préférais pas la dictature, non, je n’ai pas dit ça… mais… sept ans ou sept ans et demi, quelle différence… Et il faut le reconnaître, avec la démocratie on a une instabilité qui… enfin une instabilité ! ».

Iàkovos KAMBANÈLLIS est une figure majeure de la littérature grecque du XXe siècle, pourtant ses pièces de théâtre sont peu connues en France. Les éditions L’Espace d’un Instant nous permettent aujourd’hui de les redécouvrir puisque, déjà l’an dernier, elles avaient publié « la cour des miracles ». Ici la préface est assurée par Pètros MÀRKARIS, la traduction par Hélène ZERVAS, et le tout vient de paraître. C’est tout un pan de l’Histoire grecque récente qui est ici analysé. Sans oublier la couverture, un véritable ravissement.

« Le noyé se raccroche à ses cheveux ».

https://www.sildav.org/editions-lespace-dun-instant/presentation

(Warren Bismuth)

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