La présente pièce est brève. L’action se déroule près de la porte de Fatima. Plusieurs personnages échangent sur la guerre, sur Israël qui bombarde le Liban. Mais où se situe donc cette porte de Fatima. Avant même que les personnages entrent en scène, l’auteur de cette pièce de 2006 explique : « La ‘Porte de Fatima’ est un ancien passage de la frontière entre le Liban et Israël, aujourd’hui infranchissable. […] Le passage est fermé depuis le retrait israélien du Liban en mai 2000 ».
Zeinab est la fille de Fatima qui la vénère, elle va se marier. Mais alors que se déroule la cérémonie, un bombardement frappe, en simultané. Dialogue sur l’état du Liban, pays en ruines qui paraît en guerre depuis des décennies, avec sans cesse de nouveaux ennemis qui frappent, à cette période c’est Israël. Les personnages dénoncent la non-intervention de l’Occident qui fait le jeu d’Israël tandis qu’un acteur-présentateur, sorte d’invité surprise dans les scènes, informe sur les derniers événements en cours et analyse les réflexions des protagonistes.
Dans ce chaos, le texte, principalement en français (car ici traduit par l’auteur lui-même, qui l’a écrit originellement en arabe libanais) est à de rares reprises rédigé en arabe (sur scène, un écran géant retranscrit les propos) ou en anglais. Pour une si courte pièce, les intervenants sont toutefois nombreux, apparaissant parfois pour une ou deux répliques avant de quitter la scène, alors que le fond se concentre sur les civils qui depuis longtemps paient le prix fort. À ce propos, de nombreux exemples du quotidien sont donnés, les dégâts collatéraux sont considérables et les négociations s’embourbent et semblent impossibles. L’état de pollution du pays est aussi mis en avant : les bombes entraînent un désastre écologique, sur terre comme sur mer.
Cette pièce paraît par certains aspects se créer en direct, sur scène, comme pour ajouter à la confusion au sein du pays. Les acteurs et actrices discutent, remettant en question des dialogues ou des postures imposés par le metteur en scène, tandis que deux actrices s’affrontent, l’une israélienne, l’autre libanaise, sur la politique israélienne et ses conséquences au Liban. « Un rêve qui meurt. C’est terrible ».
Puis vient un texte fragmenté, présenté comme plusieurs lettres de l’auteur à son public, écrites elles aussi en 2006, elles sont une analyse à chaud. C’est « Nous allons bien ». Roger ASSAF égrène avec détermination la situation au Liban, pointe la responsabilité de l’armée française, mais aussi celles des Etats-Unis et de l’O.N.U. Il précise qu’Israël utilise des bombes prohibées sans que l’occident ne semble s’en offusquer. De nombreux enfants meurent chaque jour dans un silence international assourdissant. Et lorsqu’en France par exemple, TF1 décide de couvrir le conflit, c’est pour glorifier Israël, pourtant assaillant.
Mais Roger ASSAF n’est pas désespéré pour autant, tout au plus sonné. Son texte est empli d’espérance, n’est jamais défaitiste malgré le bilan extraordinairement lourd. L’auteur prend bien soin de ne surtout pas confondre sionisme et sémitisme, car il sait que des juifs sont contre cette guerre, qu’ils manifestent contre leur propre pays, alors que le terrorisme se développe. Ce texte est un accablant dossier à charge contre l’État d’Israël et ses soutiens plus ou moins revendiqués. Il n’est pas toujours aisé de bien trouver ses repères dans les tragédies énoncés car, en tant qu’occidentaux, nous ne sommes pas souvent informés, ou mal. Mais nous retenons de cet exercice que la paix est possible.
Bien que vivant en France, Roger ASSAF est né au Liban. Aussi il maîtrise parfaitement son sujet : les guerres au Liban et l’état déplorable du pays, ainsi que l’écho qui en est fait en France. La pièce vient de sortir aux éditions L’espace d’un Instant, à noter que le texte est paru grâce à une campagne de mécénat. La préface de Jean-Claude FALL est, à l’image du livre, d’une grande rage qui préfigure ce qui suit.
https://www.sildav.org/editions-lespace-dun-instant/presentation
(Warren Bismuth)
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