dimanche 9 juin 2024

Jean MECKERT « Règlement de comptes et autres nouvelles policières »

Les belles éditions Joseph K. de Nantes continuent de mettre en lumière des textes inédits ou oubliés de Jean Meckert. Elles s’attachent cette fois-ci aux premiers pas de l’auteur dans la littérature policière. Il en ressort huit nouvelles de taille et d’atmosphères différentes, toutes écrites dans les années 1940.

Aucune nouvelle ne fut signée sous le patronyme de l’auteur, mais toutes sous des noms d’emprunt : Duret (et les prénoms Edmond, Edouard, E. ou Guy) ainsi que Albert Duvivier par deux fois. Ce recueil ne représente pas l’intégralité des courtes histoires écrites par l’auteur à cette époque, mais une sorte de « best of » de la vingtaine d’entre elles. Meckert s’essaie alors au polar. On se souvient que quelques années plus tard, c’est sous ce format qu’il se fera une solide et longue réputation sous le pseudonyme de Jean Amila à partir de 1950.

Ces huit nouvelles sont assez fascinantes sur le fond comme sur la forme. Si les deux premières font fortement penser au Rouletabille de Gaston Leroux avec ses énigmes à tiroir ou encore au « Petit docteur » ou aux « Nouvelles exotiques » de Simenon par leur climat nonchalant et détaché, la troisième, « Règlement de comptes », brève – 12 pages - et intense, est surtout politique et reflète un esprit issu de la seconde guerre mondiale. Je ne peux rien en dévoiler, le charme serait irrémédiablement rompu, mais allez la lire, elle est une claque monumentale. « La cabane des Dolomites » est une nouvelle sentimentale, et une tragédie familiale sombre, il en sera de même de « Était-il possible ? ». À noter que « Un crime à l’auberge » est une copie quasi conforme de la deuxième nouvelle du recueil, ce qui tend à montrer que Meckert tenait beaucoup à ce scénario à tiroir. « L’express de nuit » est une courte nouvelle purement policière qui n’est pas sans rappeler les meilleurs pages du Hercule Poirot de Agatha Christie (mort dans un train oblige !). Le recueil se clôt sur « La tragique confession de Miss Brampton », qui est une longue lettre d’une femme démolie, entre drame et romance.

Ce recueil est une vraie bonne surprise. Dans un style délicieusement suranné, il met en scène des affaires complexes malgré leur structure simple qui permet de suivre l’histoire très aisément. La pétillance peut être de mise, la noirceur aussi avec ces portraits sans concession de gens de la campagne, ces destinées tues car taboues. Et ces phrases chocs qui font la force de l’auteur : « On ne marie pas des humains, mais des positions sociales ». Des adultères, des crimes, des trahisons, Meckert est en train d’affûter son style à venir en matière de romans noirs et de polars. C’est pourquoi ce livre est un palier important de l’œuvre, entre le Meckert de la littérature blanche ou populaire à celui revêtant le pardessus d’inspecteur.

« Règlement de comptes » et sa couverture d’antan, fort efficace lorsque l’on connaît le contenu du recueil, est sorti en 2024 aux éditions Joseph K., je ne saurais que trop vous recommander de vous y plonger, c’est à la fois un grand moment de détente, de retrouvailles avec une littérature quasi oubliée, mais aussi des face-à-face avec des personnages crédibles et bien entretenus par l’auteur, paradoxalement modernes malgré l’aspect « daté » de l’écriture. Une très belle découverte.

http://www.editions-josephk.com/

 (Warren Bismuth)

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