dimanche 7 juillet 2024

Valérie BRANTÔME « On dit le temps »

 


« Se heurter au monde, sans élan ni grâce ». Ce recueil de poésie qui, lui, possède une grâce toute particulièrement, est un peu une ode maritime, mais loin d’être tranquille, elle est plutôt perturbée par de grands vents, d’écueils et de naufrages, dans des allégories finement modelées.

Poésie musicale aussi, où chaque syllabe résonne, avec ces textes à lire à voix haute, qui prennent par cet exercice toute leur puissance de croisière. Poésie en prose, libre. Frappée par les embruns, elle n’en est que plus tourmentée. « Une porte se referme sur l’itinéraire aux genoux écorchés ». Quelqu’un au bord de l’eau, observe l’horizon, quitte à se fondre dans le paysage, disparaître, devenir autre, ailleurs. Fuir, vite peut-être.

Pénétration du doute, place à l’instinct, en bravant les certitudes dans un monde désarticulé. « Remettre la mort à son socle ». Ce bord de mer, le sud, un piège en même temps qu’une purification alors que de l’homme, seul l’esprit surnage dans cet univers à la fois onirique et déstructuré.

« Au bras, la parole de l’ami –

et marcher en lenteur –

À l’œil, une faim embellie

qui avale chaque détail du chemin –

garder en soi un terreau de mémoire,

ce peu d’encre à écraser sur la page »

pour l’un des rares passages versifiés du recueil.

Dans ce tableau proche du chaos, réminiscence des racines humaines, familiales, de l’avant, du point de départ. Odeur de Toscane. Se chercher, peut-être se retrouver. « On dit le temps » est une poésie accidentée, agitée, où Valérie Brantôme empoigne le gouvernail avec force, évitant les récifs avec dextérité, pilotant sans frémir dans une brume opaque. Ce recueil vient de paraître aux éditions le Réalgar, dans la toujours inspirée collection L’orpiment. « On dit le temps » en est l’une des belles pages du catalogue.

https://lerealgar-editions.fr/

(Warren Bismuth)

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