dimanche 4 août 2024

Gilbert COCHET & Stéphane DURAND « Ré-ensauvageons la France »

 


Voici un livre d’à peine 170 pages, idéal pour bien nous rendre compte de l’état de la biodiversité en France, pour aussi cesser de nous morfondre par un épidémique cri ressemblant de près ou de loin à un « Tout est foutu » Ce documentaire de 2018 très abouti, dont le sous-titre est« Plaidoyer pour une nature sauvage et libre », nous montre le contraire.

Avant d’ouvrir le bouquin, il faut bien avoir à l’esprit que depuis sa rédaction, la carte « naturelle » de France a encore évolué, et tout allant bien vite, certaines informations peuvent s’avérer déjà dépassées. Quoi qu’il en soit, nous tenons là un livre passionnant par sa richesse et sa diversité. Les  deux auteurs insistent bien sur le fait qu’un milieu naturel favorable – dont ils posent les jalons - provoque le retour d’espèces animales ou végétales depuis longtemps exilées. Focus sur le trésor fabuleux dont recèle la France, trésor en partie dilapidé par le développement capitaliste.

Pour que les paysages, montagneux comme de plaine, ruraux comme de bords de mer se ré-ensauvagent, il faut pour l’homme doser à la petite cuillère. Dans certains cas intervenir, mais de manière parcimonieuse, pour d’autres cas tout simplement laisser faire la nature sans rien toucher, le but étant de retrouver des zones sauvages avec une faune et une flore qui puissent s’autoréguler.

Il faut parfois user de protection rapprochée. Pour sauver une espèce, en réintroduire une autre, voire en développer une troisième. D’ailleurs, les auteurs dressent un historique des lois françaises de protection de la nature. Car on ne peut pas tout faire et n’importe quoi, certaines lois encadrent l’influence humaine sur la nature. Méfions-nous aussi des légendes, des images toutes faites, exemple : « Les montagnes ne sont pas ce que l’on croit. On se trompe souvent sur leur faune et leur flore. En réalité, la plupart des espèces que l’on croit strictement montagnardes ne le sont pas et si elles ne vivent plus aujourd’hui qu’en montagne, c’est parce que c’est le seul endroit où elles ont pu échapper à une chasse acharnée et à la destruction de leurs habitats partout ailleurs. La montagne et les milieux rupestres ne sont que des refuges ».

Si des réintroductions d’animaux furent parfaitement réussies pour la régulation des écosystèmes, d’autres sont à envisager urgemment pour les mêmes raisons. Avec chiffres à l’appui mais de manière pédagogique et facile d’accès, les auteurs donnent des exemples précis et nous laissent voir un possible avenir radieux si l’Homme veut bien faire un effort. Ils mettent en garde aussi de certaines pratiques à ne plus utiliser. Le surpâturage par exemple, contre-productif. La chasse bien sûr, qui provoque un appauvrissement frappant de la faune sauvage quand on connaît les puissantes interactions existant entre différentes espèces, et ce château de carte que l’on écroule par un combat mal pensé.

Les deux auteurs s’appuient sur de nombreuses cartes explicatives, ou bien des tableaux où les chiffres parlent d’eux-mêmes. Rien n’est laissé au hasard sur la protection pour une meilleure biodiversité : forêts, rivières, mers, marais, montagnes. Dans les rivières notamment, il faudrait détruire la plupart des barrages, non sans une recherche scientifique préalable, certaines démolitions ont d’ailleurs déjà eu lieu et furent probantes. L’archéozoologie est aussi un outil indispensable afin de retracer le parcours de telle espèce sur terre depuis son apparition. Quelques informations distillées valent vraiment le coup d’œil. Concernant la mer, la mesure la plus urgente à prendre est de… ne rien faire. Explications dans le livre.

Des mesures sont à mettre en place immédiatement. Non seulement elles ne coûtent rien mais renforcent les écosystèmes. Un exemple parmi tant d’autres : le développement de l’équarrissage naturel par les charognards. Sur ce point encore, les arguments présents dans le livre ne souffrent d’aucune contradiction, ils sont précis et sans bavure. La France renferme de fantastiques richesses naturelles potentielles qu’elle ne doit pas gâcher. Et c’est pourtant ce qui se passe très régulièrement.

Ce texte optimiste est un partage d’espoir jusqu’à sa dernière page : « Ce qui semble manquer, c’est l’audace des décideurs, qui sont parfois d’une grande frilosité devant la préservation de la biodiversité, tout en prêtant une oreille attentive aux lobbies. C’est un problème démocratique. Mais, notamment face à l’urgence climatique, les acteurs politiques commencent à prendre conscience que la préservation de l’environnement en général et de la biodiversité en particulier fait partie des priorités de notre siècle. De plus, l’opinion publique est en train de changer, notamment grâce à l’action désintéressée du monde associatif, qu’il convient de soutenir. Et le chemin déjà parcouru montre que nous sommes sur la bonne voie ».

« Ré-ensauvageons la France » est paru en 2018 chez Actes sud, dans la collection Mondes Sauvages, soutenue par l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS) dont voici le site : https://www.aspas-nature.org/

 (Warren Bismuth)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire