Cette lecture a été faite dans le cadre de la semaine de la santé mentale.
Etats-Unis, un drame. Un matin, au fin fond d’on ne sait vraiment quel bled, une petite fille de 3 ans, Dalilah n’est plus dans son lit. Malgré les recherches elle a disparu corps et âme. C’est la mère qui raconte. Le couple est ensuite invité sur les plateaux de télé pour demander à d’éventuels ravisseurs de leur rendre leur fille. La femme surtout parle, le mari a l’air absent. Il a brûlé toutes les photos sur lesquelles sa fille apparaît.
Puis le silence médiatique. La vie reprend. Bon gré mal gré, sans la fillette. La mère continue de narrer. Elle paraît bizarre la mère. Déjà, jamais elle n’évoque son mari ou son conjoint mais plutôt « Le père de ma fille », ainsi qu’un policier dont elle ne se souvient plus le nom. Les chapitres sont brefs, frappent, comme le couple qui a régulièrement recours à la bastonnade, la violence conjugale de part et d’autre. Les mots sont âpres, éructés sans filtre, semblent tout à coup extraits d’un esprit malade. La mère possède-t-elle toutes ses facultés ?
La petite fille ? Son prénom n’est mentionné qu’une fois, son caractère et ses habitudes consignés par petites touches dans d’épars chapitres d’une grande brièveté. Une fillette sans doute détraquée psychologiquement, si l’on en croit le portrait dressé. Quant au passé de la mère, on ne sait pas non plus grand-chose, si, peut-être ce « J’ai été infirmière pendant un temps, mais plus maintenant ». Infirmière ou patiente ?
Et cette enfant, a-t-elle été désirée ? N’a-t-elle pas, contrairement aux projections, contribué à la ruine du couple ? « Ce genre de calme est venu seulement après la disparition. Avant, on était trop angoissés, trop nouveaux l’un pour l’autre, et puis avec un enfant dans les pattes, c’est jamais calme. Tout le monde sait ça ».
Le père ? Il est rentré un soir avec un sanglier mort, il l’a dépecé, cuisiné. Un autre soir il est revenu avec un jeune chien, mort lui aussi. Les repères sont faussés, comme les sentiments, le vrai du plausible, le faux du fantasme. Car plus on entre dans l’univers de la mère, plus il nous paraît abstrait, anormal, impénétrable, incalculable. Peu à peu, on s’enfonce dans un monde de folie où la distinction entre le bien et le mal n’existe plus, subissant de plein fouet le monologue suffocant d’une femme dérangée.
Texte court autant que terriblement dérangeant. Ne vous attendez pas à trouver des réponses à des questions que vous pourrez vous poser dès l’entame de ce livre ? Au contraire, d’autres jailliront, toujours plus nombreuses, jusqu’au vertige au sein d’une spirale familiale infernale qui tourne en vase clos et sans aucune rationalité. Ce bref roman de l’étatsunien Colin Winnette est paru en 2017, il ne vous laissera pas en paix, même s’il laisse une légère impression d’inabouti.
(Warren
Bismuth)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire