mercredi 20 août 2025

Nathalie QUINTIN-RIOU « Croquée »

 


« Dans un brouillon, il y a de l’infini », cette phrase extraite du livre « Croquée » de Nathalie Quintin-Riou pourrait servir d’incipit tant elle donne le ton de ce recueil de poésie. Avec une grande musicalité, une immense sonorité, Nathalie Quintin-Riou semble  prendre des notes dans un carnet (que j’imagine volontiers à spirales), avant d’assembler, tricoter un texte fait de collages de phrases, de vers, de mots, un peu comme du John Dos Passos épuré, essoré jusqu’à la moindre virgule.

L’ambiance n’est pas stable : oscillant entre Moyen-Âge et modernité (avec ce SMS ou encore ce T.G.V.) tout en rendant hommage à Emily Dickinson. C’est dire si plusieurs périodes de l’Histoire entre ici en collision, d’autant que la variété de la structure narrative est déroutante. Cette mosaïque sait se faire onirique par les rôles des rêves, elle est aussi parfois un jeu, sur les mots et les tonalités (« prière d’épeire »). Ce sont bien plusieurs mondes qui cohabitent, dans la joie mais pas toujours. Car il y a la sœur handicapée mentale. « Que notre pas prolonge la falaise ». La douleur remplace subitement une certaine désinvolture.

Poésie libre et affranchie qui est aussi un pari pour la vie car il faut « Écrire pour décontenancer le désespoir ». Nathalie Quintin-Riou modèle et remodèle ses mots, jongle avec afin de « Se déshabiller jusqu’à l’enfance » et retrouver les sensations d’un avant. Mélancolie ? Peut-être, même si « Le principe d’incertitude est sûr ».

« Croquée » est une suite de textes hybrides que la poétesse qualifie elle-même de « Lesboète », d’un lesbianisme au clin d’œil appuyé à Fernando Passoa, dans un maillage de parties autobiographiques déguisées, ainsi que dans un mélange dosé d’amour et de tragique.

Les dessins accompagnant le recueil sont signés Sylvie Durbec, illustrations à leur tour composites, peintes comme des collages papier, avec des assemblages de couleurs, de formes et pas mal d’animaux. « Croquée » vient de sortir au éditions Le Réalgar de Saint Etienne, dans la très belle collection L’orpiment qui donne voix à des poètes et des illustrateurs pour un travail en commun et en rapport.

https://lerealgar-editions.fr/

(Warren Bismuth)

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