« Les classiques c’est fantastique » du blog Au Milieu Des Livres de Moka nous ramènent ce mois-ci sur les bancs de l’école avec le thème « C’est au programme » (choisir un titre classique en lien avec les programmes français du baccalauréat ou de l’agrégation 2025-2026). C’est en prenant le bac que Des Livres Rances a trouvé son inspiration : le célébrissime « Discours de la servitude volontaire » de La Boétie.
D’après Montaigne, qui deviendra son ami précisément à partir de ce texte, Etienne de La Boétie a écrit « Discours de la servitude volontaire » à 18 ans, entre 1546 et 1548 (remanié vers 1550 ou 1551). Ce traité très bref est pourtant devenu l’un des textes majeurs de toute la littérature philosophique française.
« Discours de la servitude volontaire » frappe par sa modernité, par son approche offensive. Car La Boétie attaque : les dirigeants, considérés comme tyrans, le peuple, asservi et consentant, mais aussi les soutiens du tyran, qui développent cet esprit tyrannique autour d’eux. La Boétie dénonce en quelques dizaines de pages l’esclavagisme volontaire basé sur la domination et la soumission voulue, le peuple étant effrayé à l’idée de pouvoir un jour gagner sa liberté.
Le peuple apprend méticuleusement, docilement à servir le régnant. Mal éduqué par ses parents et ses proches, il ne fait que courbé l’échine sans aucune volonté ni de révolte ni même de conflit. La Boétie leur adjure pourtant le désormais célèbre « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres ». Bien simple, trop simple. La préférence collective va vers cette soumission vécue comme une protection. L’Histoire ancienne a montré que le peuple est toujours prêt à combattre sur simple ordre du gouverneur. La Boétie appuie ses propos par de nombreux faits historiques, ressuscitant quelques grandes guerres, justifiant ses lignes par des exemples glanés au cours de la grande Histoire du Monde.
Ce sont bien les courtisans qui font la force, la puissance, la crainte de la figure du roi. « Dès qu’un roi s’est déclaré tyran, tout le mauvais, toute la lie du royaume, je ne dis pas un tas de petits friponneaux et de faquins qui ne peuvent faire ni mal ni bien dans un pays, mais ceux qui possédés d’une ambition ardente et d’une avidité notable se groupent autour de lui et le soutiennent pour avoir part au butin et pour être, sous le grand tyran, autant de petits tyranneaux ».
« Discours de la servitude volontaire » est un manifeste autant intemporel que antiautoritaire, il peut encore de nos jours être dégainé, il est impossible que l’on ne songe à aucun dirigeant actuel en le parcourant, tellement il englobe l’universel. Et c’est bien toute sa force. S’il a pu survivre aux siècles, au guerres, c’est qu’il s’exprime à tout le monde par-delà le temps, il pourra encore servir dans les siècles à venir tant que l’humain n’aura pas disparu du vieux globe.
Ce texte a également traversé les siècles par les traductions proposées, toujours plus près de leur époque. En effet, écrit en « vieux français », il est devenu illisible, et des spécialistes ont dû se coller à une sorte de reconstitution du texte de base sans en pervertir les idées ni les pistes. La version que j’ai lue est accompagnée d’une postface de Séverine Auffret, éclairante sur son choix de traduction. Le livre était sorti aux éditions Mille et Une Nuits en 1995, et le hasard a voulu que je le ressorte très exactement 30 ans après son achat et ma première lecture, me rappelant ainsi que « Discours de la servitude volontaire » est à lire au moins une fois dans sa vie pour son aspect extraordinairement intemporel.
(Warren Bismuth)
Typiquement le genre d'auteur qui m'intimide, mais je crois comprendre qu'un gros travail de traduction a permis de nous le rendre très accessible...
RépondreSupprimerDe plus il est très bref.
SupprimerÀ lire donc, je me le note bien soigneusement ! Merci pour ton retour.
RépondreSupprimerUn classique parmi les classiques !
SupprimerJe n'ai encore jamais lu La Boétie mais un tel texte intemporel et donc d'une incroyable et troublante modernité me donne envie de le découvrir. Je ne serai pas surprise qu'il débarque en concours Capes/Agrégation après le passage au bac (même s'il a été sans doute au programme il y a quelques années).
RépondreSupprimerMerci pour ce résumé ! J’ai hésité à choisir cette œuvre mais j’avais peur qu’elle soit inaccessible. En revanche, en lisant votre chronique, j’ai très envie de m’y pencher !
RépondreSupprimer