dimanche 21 septembre 2025

Guido CAVANI « Zebio Còtal »

 


Quelque part dans les montagnes de l’Italie du nord du XXe siècle, une famille, les Còtal, dirigée par Zebio, figure patriarcale, tyrannique, autoritaire et violente, tente de survivre à la misère. Zebio a six enfants, et régulièrement les insulte, les frappe entre deux bordées de vin. Dans la chaleur écrasante, il intimide chacun d’eux ainsi que sa pauvre femme Placida, dame effacée et peureuse, donnant le sentiment de n’être sur terre que pour protéger ses enfants.

L’un des fils, Zuello, est parti vivre loin depuis plusieurs années pour travailler auprès de son oncle Adrio, le frère de Zébio. Seulement l’oncle a renvoyé Zuello, qui revient au village. Il embrasse sa mère tant aimée puis repart bien vite, de crainte de croiser son père.

La violence de Zebio est soudain mise à jour par les habitants du village qui s’en plaignent au maréchal. Ce dernier ne tarde pas à convoquer Zebio pour l’admonester : les voisins ont plusieurs fois entendu des cris de douleurs des enfants sous les coups paternels. Zebio va trouver son frère Adrio qui lui doit de l’argent appartenant à son fils Zuello. Mais ce que désire Zebio est bien plus que cette somme. Criblé de dettes, il a besoin d’une aide financière substantielle de son frère, alors qu’ils sont ennemis depuis toujours.

Deux des enfants de Zebio, fatigués de sa violence, s’enfuient et partent vagabonder. Seulement, l’un des deux meurent dans des circonstances tragiques. Ainsi débute la descente aux enfers d’une famille miséreuse de la montagne italienne. L’enfant témoin du drame, Pellegrino, continue son errance avant tout pour échapper à la pression du père. Il s’adonne à de petits larcins et s’en vient à ternir le nom des Còtal. Mais le père, Zebio, est soudain arrêté pour maltraitance sur enfants, il serait peut-être à l’origine de la mort de son fils. Sa vie, comme ses pensées, bascule.

Dans une région pétrie de croyance et de chrétienté, les Còtal s’en remettent souvent à Dieu. Pourtant c’est bien par leur force intérieure propre qu’ils combattent, qu’ils cherchent à s’en sortir d’une manière ou d’une autre.

« Zebio Còtal » est un roman simple fait de gens simples, il n’en est que plus bouleversant. C’est un peu Zola qui aurait passé les Alpes pour décrire une vie loin des villes, avec ses malheurs, ses horreurs, son alcool, ses lâchetés, ses faiblesses, alors que les enfants de Zebio viennent à se révolter de plus en plus. « Cette histoire de blé a fini de me dessaler. Quand je m’échinerai au travail, ce ne sera pas pour rien, le monde me respectera, je pourrai marcher la tête haute, comme les autres filles. Qu’il s’en occupe seul, de son champ ». Car la fille Glizia est une image, certes non aboutie, mais intéressante du féminisme naissant dans un cercle campagnard ultra patriarcal.

« Zebio Còtal » est un roman dont l’atmosphère particulière peut ramener à la littérature rustique grecque de la première moitié du XXe siècle. Quant à certains des personnages errants, ils pourraient presque s’être enfuis de pages de Panaït Istrati, prônant une philosophie que n’aurait pas renié Nikos Kazantzaki. Autant dire que ce roman est admirable bien que d’une simplicité confondante. Il faut aussi se tourner du côté de la littérature prolétarienne pour définir cette œuvre.

Premier roman de l’auteur, écrit en 1958, il fut en son temps admiré de Pasolini. Jamais encore Guido Cavani (1897-1967) n’avait été publié en France. C’est désormais chose faite, et le fait est qu’il entre par la grande porte avec ce roman paysan sur la déchéance d'une Famille, texte à la fois rugueux, tendre et révolté, avec un soupçon de philosophie bien sentie. Il est paru en 2025 aux souvent inspirées Editions du Sonneur, on en redemande !

« Voilà comment va la vie : on s’obstine à ne pas croire au mal qui est en nous pour pouvoir juger le mal des autres ».

https://www.editionsdusonneur.com/

 (Warren Bismuth)

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