dimanche 10 décembre 2017

Lance WELLER « Wilderness »



Deux périodes d’une même destinée se répondent à chaque chapitre : celle d’Abel Truman, personnage charnière de ce premier roman. Tout d’abord il y a la période de guerre civile : 1864 et la guerre de Sécession états-unienne, et plus particulièrement la bataille sanglante de Wilderness, trois jours où l’enfer s’est invité dans l’État de Virginie, une lutte en pleine forêt, au cœur de la nature. L’autre période est le « présent », c’est-à-dire la toute fin d’un siècle riche en Histoire, 1899 et la vie de ce même Abel, désormais vieux, usé mais toujours traumatisé par l’expérience de la Wilderness, combat pour lequel il a donné de sa personne, auquel il a activement participé et vu pas mal d’atrocités qui continuent à le hanter, alors qu’il vit chichement au bord d’une rivière, accompagné de son fidèle chien. Abel est malade et veut revivre des émotions, il décide donc de pénétrer à nouveau dans la forêt pour se remémorer, la guerre bien sûr, mais aussi des épisodes de sa vie, des rencontres qui l’ont marqué, comme cette petite Jane qu’il a en partie élevée. C’est dans cette période du présent que son chien va lui être kidnappé par deux types qui souhaitent en faire une bête de combat, en gros une bête de guerre. Pas mal de personnages plus ou moins rustres sillonnent ce roman lent, silencieux, où la nature prend la forme d’un héros. Il y fait froid, la vie est rythmée par la température, le blizzard, le gel, etc. Tout semble dépouillé et intemporel. Bien sûr il est difficile de ne pas penser aux romans et nouvelles du Jack LONDON du Grand Nord, d’autant que Ned, le chien d’Abel, est d’une importance capitale dans cette histoire, un peu comme les rôles canins dans « L’appel de la forêt » ou « Cros-Blanc ». L’immense force de WELLER réside dans les descriptions de paysages d’une grande puissance ainsi que par les saisons et les épisodes historiques de la Wilderness, la violence au quotidien, la survie, mais pour quoi ? Pour qui surtout ? Ce roman est sombre, souffre de quelques rares longueurs, mais pour un coup d’essai, on peut applaudir sans se lamenter (et accessoirement pour se réchauffer). Depuis, le deuxième Lance WELLER a été traduit en français sous le nom « Les marches de l’Amérique », sorti en 2017, et tout en reprenant les mêmes éléments du sens de la vie sous fond de période historique, a frappé encore plus fort et reste l’un des romans de l’année 2017. Je l’avais chroniqué à sa sortie dans le webzine L’HIRSUTE :

Coïncidence : au moment où je présente ce « Wilderness » sorti dans la collection « Nature Writing » des Éditions GALLMEISTER en 2013, il vient justement d’être réédité en cette fin 2017 dans la version poche (« Totem ») des mêmes éditions. Lance WELLER est décidément un auteur à suivre de près, deux romans pour deux réussites, et une force de description peu commune.

(Warren Bismuth)

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