Deux périodes d’une même destinée se répondent à chaque chapitre :
celle d’Abel Truman, personnage charnière de ce premier roman. Tout d’abord il
y a la période de guerre civile : 1864 et la guerre de Sécession
états-unienne, et plus particulièrement la bataille sanglante de Wilderness,
trois jours où l’enfer s’est invité dans l’État de Virginie, une lutte en
pleine forêt, au cœur de la nature. L’autre période est le « présent »,
c’est-à-dire la toute fin d’un siècle riche en Histoire, 1899 et la vie de ce même
Abel, désormais vieux, usé mais toujours traumatisé par l’expérience de la
Wilderness, combat pour lequel il a donné de sa personne, auquel il a
activement participé et vu pas mal d’atrocités qui continuent à le hanter,
alors qu’il vit chichement au bord d’une rivière, accompagné de son fidèle
chien. Abel est malade et veut revivre des émotions, il décide donc de pénétrer
à nouveau dans la forêt pour se remémorer, la guerre bien sûr, mais aussi des
épisodes de sa vie, des rencontres qui l’ont marqué, comme cette petite Jane qu’il
a en partie élevée. C’est dans cette période du présent que son chien va lui
être kidnappé par deux types qui souhaitent en faire une bête de combat, en
gros une bête de guerre. Pas mal de personnages plus ou moins rustres
sillonnent ce roman lent, silencieux, où la nature prend la forme d’un héros.
Il y fait froid, la vie est rythmée par la température, le blizzard, le gel, etc.
Tout semble dépouillé et intemporel. Bien sûr il est difficile de ne pas penser
aux romans et nouvelles du Jack LONDON du Grand Nord, d’autant que Ned, le
chien d’Abel, est d’une importance capitale dans cette histoire, un peu comme les
rôles canins dans « L’appel de la forêt » ou « Cros-Blanc ».
L’immense force de WELLER réside dans les descriptions de paysages d’une grande
puissance ainsi que par les saisons et les épisodes historiques de la
Wilderness, la violence au quotidien, la survie, mais pour quoi ? Pour qui
surtout ? Ce roman est sombre, souffre de quelques rares longueurs, mais
pour un coup d’essai, on peut applaudir sans se lamenter (et accessoirement
pour se réchauffer). Depuis, le deuxième Lance WELLER a été traduit en français
sous le nom « Les marches de l’Amérique », sorti en 2017, et tout en
reprenant les mêmes éléments du sens de la vie sous fond de période historique,
a frappé encore plus fort et reste l’un des romans de l’année 2017. Je l’avais
chroniqué à sa sortie dans le webzine L’HIRSUTE :
Coïncidence : au moment où je présente ce « Wilderness »
sorti dans la collection « Nature Writing » des Éditions GALLMEISTER
en 2013, il vient justement d’être réédité en cette fin 2017 dans la version
poche (« Totem ») des mêmes éditions. Lance WELLER est décidément un
auteur à suivre de près, deux romans pour deux réussites, et une force de
description peu commune.
(Warren Bismuth)
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