Petite information en préambule : les éditions L’espace d’un Instant viennent juste de rééditer, cette fois-ci dans la collection Sens Interdits, « Les monologues de Gaza » du théâtre Ashtar dont j’avais fait une chronique ICI lors de sa sortie en 2017, un livre qui fait forcément écho à celui présenté ce jour.
Plusieurs textes de Hervé Loichemol sont publiés dans ce volume « Le métro de Gaza ». La pièce de théâtre éponyme de 2022 est une descente au cœur d’un métro palestinien inventé par un certain Abusal. C’est dans ce métro qu’en pleine occupation israélienne pénètre Khawla, une palestinienne à la recherche d’un homme qu’elle a rencontré sur les réseaux sociaux, Djamil, un gazaoui qui ne donne plus signe de vie. Son téléphone a été intercepté par quelqu’un d’autre. Khawla se lance donc dans une quête et tombe fatalement sur Abusal, le créateur du métro, dans une ambiance de guerre où les bombes explosent tandis que les portes des voitures du métro s’ouvrent et se ferment, dans ce qui semble être une profonde absurdité. « Vous croyez qu’on ne sait pas lire à Gaza ? Qu’on n’a pas d’écoles, de professeurs, de livres, de théâtres, de cinémas ? Que nous ne faisons pas partie du monde ? Que nous sommes des ostrogoths ? Des animaux ? Des rats ? ».
Oui mais. Ce Djamil existe-t-il vraiment ? Et si oui, porte-il bien ce nom qu’il a donné à Khawla ? Puis intervient une pièce dans la pièce : les comédiens jouant « Le métro de Gaza » se mettent à échanger en aparté, parfois en anglais (il vaut mieux connaître quelques bons rudiments pour suivre les conversations). Texte sur les pertes d’illusions, le traumatisme de l’occupation, le quotidien en temps de guerre. « Je rêve d’un soldat qui aurait refusé de tirer ».
La seconde pièce au titre énigmatique « Les échinides » fut terminée en 2023 après bien des péripéties dont Hervé Loichemol nous entretient en annexe. Texte original et aux multiples têtes, il est d’abord l’anatomie d’un oursin par un homme. Qui finit par discuter avec lui, nommé Le dormeur du sable. Ce dernier évoque le poète palestinien Mahmoud Darwich, puis en récite la poésie. Il incarne Darwich. Non, il EST Darwich. Il défend son poème « Passants parmi les paroles passagères », jadis condamné par l’Etat d’Israël (voir ma chronique de l’affaire du poème ICI, livre récemment réédité par les éditions de Minuit). Le dormeur du sable/Darwich parle de l’occupation Israélienne en Palestine, elle ne date pas d’hier.
« Lapis Judaïcus, la pierre juive, c’est le nom donné aux épines de certains échinides », enfin est éclairé le titre de la pièce, un texte d’abord abscons, puis se faisant de moins en moins brumeux, de plus en plus net jusqu’à l’explication finale. Sept annexes sont jointes aux deux textes, dont l’une précisément sur les conditions de répétitions de la présente pièce, un mort notamment.
Les autres annexes de ce volume sont des reproductions d’articles sur la position de l’auteur sur l’occupation de Gaza par Israël depuis des décennies, puis sur l’après 7 octobre 2023 et ce qu’il a changé, à la fois dans l’imaginaire collectif mais aussi dans la sémantique de certains médias. L’auteur revient aussi sur l’attaque du Théâtre de la Liberté de Palestine par l’armée Israélienne, les arrestations d’acteurs, de figures du théâtre palestinien.
« Le métro de Gaza », texte ô combien militant, vient de sortir aux éditions L’espace d’un Instant, dans la collection Sens Interdits, 150 pages sans concession, humanistes autant qu’offensives.
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(Warren Bismuth)