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dimanche 29 septembre 2024

Maxime GORKI « En gagnant mon pain »

 


Septembre, la rentrée des classes. Aussi replongeons-nous dans l’adolescence pour le challenge « Les classiques c’est fantastique » des redoutables blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores où cette période de la vie est à l’honneur ce mois-ci. La littérature russe représentera le thème côté Des Livres Rances avec « En gagnant mon pain » de Maxime Gorki. Cette chronique s’inscrit également dans le cadre du challenge annuel du blog Book’ing consacré à « Lire sur le monde ouvrier & les mondes du travail » :

https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2024/01/2024-lire-sur-le-monde-ouvrier-les.html

Suite directe de « Enfance » (traduit également sous le titre « Ma vie d’enfant »), « En gagnant mon pain » de 1916 est le deuxième volet de la trilogie autobiographique romancée de Maxime Gorki. Il faudra attendra 1923 pour la voir se clore avec « Mes universités ».

« En gagnant mon pain » est non seulement la suite logique de « Enfance », mais c’en est presque un second tome. Le jeune Alexis Pechkov est alors âgé d’une douzaine d’années et ne s’appelle pas encore Maxime Gorki. Déjà orphelin, il vit chez ses grands-parents et doit quitter l’école à 12 ans. La période antérieure est abondamment (et talentueusement !) racontée dans « Enfance ». Comme son nom l’indique « En gagnant mon pain » raconte les premiers petits boulots du futur auteur.

Alexis (on traduirait aujourd’hui par Alexei) passe par plusieurs métiers, enfin plutôt par plusieurs employeurs, car il est souvent cantonné aux tâches de garçon à tout faire, successivement dans un magasin de chaussures (avec son cousin), puis chez une grand-tante avant d’être plongeur sur un bateau ou encore aide-cuisinier sur un autre bateau. Il ne faut néanmoins pas voir dans ce livre une succession de descriptions de métiers, d’abrutissements divers, car Gorki a préféré relater la vie personnelle plus que professionnelle. S’il sait s’attarder parfois sur des missions salariales, ils ne les évoquent que sporadiquement, s’attachant aux à-côté : la vie russe.

Car « En gagnant mon pain » est un roman-fresque éminemment russe par son nombre de personnages, ses anecdotes, il est foisonnant en courtes scènes d’une Russie tsariste de fin du XIXe siècle, avec un Alexis se cherchant et vagabondant, qui traverse de nombreuses péripéties qu’il retranscrit dans ces mémoires. Il quitte systématiquement ses employés et s’en explique. Car Alexis est un jeune homme libre, il refuse la hiérarchie, sauf l’autorité de son adorée grand-mère dont il fait un portrait touchant et quasi amoureux tout au long du livre. Quant aux scènes, elles marquent. Je pense par exemple à celle-ci, presque dès l’entame du livre, où lors d’un pari il doit passer la nuit assis sur une tombe du cimetière où sa propre mère est enterrée. Séquence d’anthologie définitivement russe par son approche.

Quant à son grand-père, il le craint et le redoute. Alors il s’évade à la fois dans la rue et dans les livres. Car il découvre la littérature et c’est un choc extraordinaire, même s’il ne sait pas encore qu’il deviendra non seulement écrivain, mais l’un des plus reconnus de sa génération. En attendant, il dévore les livres, des romans français surtout dans un premier temps, gros coup de cœur pour Balzac. Puis ce seront les russes, où il est beaucoup plus critique tout en vouant une sorte de culte à Pouchkine et Lermontov.

Son frère Kolia meurt, s’ensuivront de nombreuses connaissances poussées à leur tour dans le trou fatal. C’est le temps des premières désillusions, des premiers apprentissages de la rudesse de la vie, même s’il a déjà vu mourir ses parents des années auparavant. « En gagnant mon pain » décrit des scènes violentes, d’ivrogneries, de violences conjugales, de bagarres entre hommes, pour un rien, pour montrer une certaine supériorité, s’affirmer. Société agressive dépeinte de manière très réaliste. Dans cet ouvrage cependant Gorki ne s’ouvre pas au monde, ni même à tout ce qui touche à la politique nationale. Le tsar Alexandre II est assassiné en 1881 alors que le jeune Alexis n’a que 13 ans, il n’en consacre que quelques lignes vite oubliées. Tout comme il ne mentionne pas par exemple la mort de Dostoïevski. Ce roman est d’ailleurs fort Dostoïevskien, avec ces seconds rôles improbables, ces citoyens russes empreints d’un brin de folie, coupables de violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques, y compris sur eux-mêmes car ce sont des êtres torturés, désabusés, sans espoir, sans envie.

De petits boulots en petits boulots, Alexis rencontre des hommes, des femmes (moins) qui sculptent sans le savoir le caractère du futur Gorki. Il continue à explorer la littérature, à en parler avec des camarades, à débattre.

Le récit paraît basculer lorsque Alexis en vient à travailler dans un atelier d’iconographie. Là les discussions sont nombreuses et serrées sur la religion, les protagonistes se coupent la parole, se disputent, s’invectivent. On entre alors dans le moment le plus Dostoïevskien du récit. En fermant les yeux, on pourrait croire lire par exemple des pages extraites des « Frères Karamazov ». Mais Alexis reprend ses lectures, les commente, c’est par elles qu’il s’ouvre au monde qui, s’il n’est pas bien beau, forge pourtant son caractère. Alexis/Gorki décrit avec minutie les rapports humains, les échanges entre habitants de Russie, il évoque ses errances entre deux métiers, sa boulimie de lecture qui est son apprentissage de la vie : « En lisant, je me sentais plus robuste, plus fort, je travaillais plus vite et mieux, car plus vite j’aurais fini, plus il me resterait de temps pour lire. Privé de livres, je me laissai aller, devins paresseux ; une étourderie maladive, qui m’était étrangère auparavant, commença de s’emparer de moi ».

Roman sur l’adolescence, il est celui sur la foi religieuse qui, comme dans un grand roman russe qui se respecte, prend une place prépondérante, place affirmée par de longs questionnements sur l’existence de Dieu. Il est aussi celui d’un amour pour une femme : la grand-mère. L’écriture là aussi est toute russe : simple mais littéraire et puissante, elle guide d’autorité le lectorat vers un but précis, elle ne s’arrête pas en chemin, ne prend pas de pause, écrase par son pouvoir. Mais « En gagnant mon pain » est aussi un roman sur l’errance, celle d’un jeune homme miséreux au sein d’une famille pauvre, qui doit gagner sa vie alors qu’il ne tend qu’à rencontrer ses semblables. Le roman est terminé en 1916, la Révolution russe ne s’est pas encore enclenchée, Gorki n’est pas encore proche du pouvoir. En lisant ce roman autobiographique, il paraît quasi inconcevable que son auteur deviendra quelques années plus tard un proche de Staline, tout en continuant (soyons objectifs) à défendre à tout crin les écrivains russes contre le régime, menant ainsi un jeu ambivalent qui finira par être l’une des grandes caractéristiques de l’auteur.

« Je pensais de plus en plus à l’immensité du monde, aux villes que m’avaient fait connaître les livres, aux autres pays où l’on ne vivait pas comme chez nous. Dans les livres des écrivains étrangers, la vie était plus propre, plus accueillante, moins difficile que celle qui bouillonnait lentement et uniformément autour de moi. Cette constatation apaisait mon trouble, me faisait rêver avec obstination à la possibilité d’une autre existence ». « En gagnant mon pain », ici traduit par A. Meynieux et R. Collas, se termine au moment où Alexis, mûri par les épreuves, décide d’entrer en université. Ce sera le troisième volume de cette trilogie.

 (Warren Bismuth)






mercredi 25 septembre 2024

Ron RASH « Réveiller les morts »

 


L’auteur Ron Rash est surtout connu pour ses romans voire ses nouvelles. Mais c’est aussi un poète. Et cette anthologie montre qu’il est plutôt adroit dans l’exercice ! Ce recueil est un véritable événement, la poésie de Ron Rash n’ayant à ce jour jamais été traduite en France, il s’agit donc d’une grande première, et accessoirement d’un véritable coup de maître.

« Réveiller les morts » est un choix de poèmes grappillés dans ses quatre recueils parus entre 1998 et 2011, augmenté de cinq poèmes inédits en fin de volume. 125 poèmes en tout, et non des moindres.

Les scènes se succèdent, brèves, elles prennent naissance dans les Appalaches, plus précisément du côté du lac Jocassee en Caroline du sud, où la population (dont l’auteur) a encore en tête l’érection du barrage, engloutissant à jamais la vallée à partir de 1973. Ce fait est d’ailleurs en quelque sorte le point de départ de tout ce recueil qui va s’articuler autour : la vie avant, la vie après, les souffrances, les croyances, les morts surtout. Car ce livre est un hommage aux disparus de la vallée dont l’âme continue de hanter les lieux, ces anonymes qui ont forgé l’histoire et la légende lors de ces temps révolus que l’auteur semble regretter. Ces morts sont comme une boussole pour les vivants, dans un climat rural d’isolement parfois absolu. Rash y saupoudre ses souvenirs d’enfance, d’adolescence, les tragédies témoins de l’histoire de cette région, dans une économie de mots et d’émotions, Rash évoquant sans aspérités, alors que c’est l’atmosphère générale qui donne les courbes.

Dans une puissance contenue, une lenteur sauvage, Rash raconte, comme un ancêtre le soir au coin du feu, l’avant, le passé pourtant presque contemporain, les histoires de familles, les anecdotes marquantes, propose des instantanés, ceux d’un habitant par exemple, d’un voisin peut-être. Quelques lignes pour créer une scène complète et envoûtante, dans des poèmes d’une extrême spiritualité, où le monde religieux revient ponctuellement.

Livre pouvant se faire polyphonique, sa narration est prise en charge par quelques inconnus, ou bien elle les raconte : « Clouée au lit, elle entendit le cri du hibou / tomber doux comme un linceul cette nuit-là / les édredons resserrés autour de sa gorge, / ses yeux étrécis, leur lumière / disparue quand elle vit que ce qu’elle avait entendu / l’attendait dans l’arbre / abattu au point du jour par des parents / pour fabriquer le cercueil, enterrer / ce bois autour d’elle afin que la mort / puisse trouver un endroit de moins où se percher ».

Retours sur l’incendie de cette grange en 1967, ainsi que sur la résistance des salamandres. Car bien sûr la nature possède une belle part dans ces poèmes entre sauvagerie et rudesse du labeur, dans les champs ou en usine, cette complexité entre deux mondes qui paraissent ne jamais vouloir se rejoindre. Le tout est cimenté par l’esprit des défunts, témoignages de l’au-delà par ceux dont l’image s’est figée car « Même les jeunes à l’époque mouraient vieux ». Mais Rash évoque aussi la canicule qui dévaste les récoltes à venir, obligeant certains paysans à se réinsérer vers un travail à l’usine. Poésie sensible mais pudique, sobre, elle frappe par cette palette de portraits et de situations données, elle est un siècle de vie dans les Appalaches, rude, violente, mais emplie de foi et d’espoir.

La poésie de Ron Rash rappelle fortement celle de Jim Harrison, autre écrivain surtout connu pour ses talents de romancier alors que ses poèmes sont éblouissants et dépassent peut-être son œuvre en prose. Elle peut aussi se rapprocher de celle de Jacques Josse, par ces morts omniprésents, rythmant même le présent. Poésie simple, c’est sans doute ce qui lui confère cette beauté, cette universalité, elle s’adresse à tout public, à toute classe sociale, sans élitisme. Elle raconte la vie, la mort, et au-delà, la transmission et la mémoire. Le recueil est préfacé et traduit par Gaëlle Fonlupt qui nous offre ici l’occasion de découvrir ce petit trésor de littérature paru en 2024 aux éditions de Corlevour dont je n’avais jamais entendu parler. Attardez-vous un peu sur sa couverture. Somptueuse elle aussi, elle est l’œuvre de Valentine Flork.

« Aucune opération de mécanique sauvage ne pouvait / relancer son moteur, alors on l’a poussée / dans le pâturage, laissée à l’abandon / parmi le bétail ; bientôt les croûtes de rouille / ont éclaté sur la peinture bleue, les pneus / s’affaissant comme des ballons percés, / mais quand la neige est arrivée, ce fut magique, / elle devint un igloo des Appalaches / à l’intérieur duquel je me suis blotti, fissurant / la vitre de ma fenêtre tandis que la neige lissait / le pâturage comme un édredon / pour que l’hiver s’y repose ; / et comme c’était calme – le ruisseau / étouffé par la glace, les écureuils gris / pelotonnés dans les lits de feuilles, les corbeaux muets / dans la nudité des branches hérissées ; / seul le son de mon souffle / blanc obscurcissant la fenêtre ».

https://editions-corlevour.com/

(Warren Bismuth)

dimanche 22 septembre 2024

Jean ECHENOZ « L’équipée malaise »

 


Ils sont deux ex-petits amis de Nicole, Charles Pontiac et Jean-François Pons. Le premier devenu vagabond volontaire, le second administrateur d’une plantation d’hévéas en Malaisie. D’ailleurs, contrarié par l’arrivée de nouveaux propriétaires sur la plantation, Jean-François, Jeff, pousse ses ouvriers au syndicalisme. Voilà pour l’histoire, elle est maigre, n’est-ce pas ? Mais c’est Echenoz, alors ça n’a besoin de rien, car tout le reste est le fruit de son travail, de son génie diront certains. S'il s'est basé sur l'oeuvre de Joseph Conrad pour concocter son menu, il s'en libère par son style inimitable.

Echenoz n’omet aucun détail de chaque scène, jusqu’au vertige, tout s’imbrique au millimètre dans un ahurissant exercice de style. « Sous l’aigreur ambiante de l’alcool viré, des dépouilles de neurones grillés barraient l’accès à sa mémoire ». Echenoz est un virtuose de la langue, aussi parfois il peut paraître abscons, tant les digressions l’entraînent loin dans une réflexion dont le départ nous échappe. Car Echenoz est dissipé, il ne fait rien comme les autres, il déroule une idée en un vocabulaire riche et varié, et puis, il la stoppe, ou plutôt il saute à une autre, des phrases sont abattues en plein vol.

Echenoz joue avec les mots, dès le titre à double tiroir. L’exercice de style est permanent, un feu d’artifice sans répit, le texte pétille, brûle de mille feux dans un dangereux jeu d’équilibriste. « L’équipée malaise » est tout et rien à la fois : roman d’aventures en forme d’hommage appuyé à Joseph Conrad, roman d’amour un peu polar, un peu psychologique. Mais il n’est rien de tout cela, il explore d’autres chemins, en un style cinématographique où une caméra semble zoomer en permanence sur les petits objets insignifiants de la scène.

Echenoz est désinvolte. Il dessine une action de manière particulièrement soutenue qui requiert toute l’attention du lectorat quand, au détour de rien, un protagoniste va « pisser », comme ça, sans prévenir. « Il s’était mis à table avant leur arrivée, il mangeait lentement, avec des mouvements lents qui prenaient tout leur temps – tournant le singe dans son assiette pour assurer le meilleur angle d’attaque à son couteau, pelletant des lots distincts de légumes et de riz, tournant son verre sur lui-même, usant tauromachiquement de sa serviette. Voûté sur son manger en arc d’ogive obtuse, il décomposait ses mouvements au ralenti, réglés comme pour une démonstration ». Chez Echenoz, chaque séquence insignifiante devient dantesque, dégainant des néologismes à qui mieux mieux dans une envolée assourdissante, ici entre Asie et France, en allers-retours interminables.

Pour le titre « L’équipée malaise », Echenoz avait tout d’abord envisagé « L’usage des armes », mais Jérôme Lindon le dissuada. De toute façon, pour un chroniqueur, le résumé d’un bouquin de Echenoz est impossible à administrer, il se fait la malle en même temps que l’histoire contée. Car chez cet auteur, ce n’est pas l’histoire qui lui échappe, mais bien lui qui échappe à l’histoire. Le fond d’un de ses romans est presque secondaire tellement ce qui est visible, lisible, la forme, est redoutable. Ses Pieds Nickelés sont à la fois intemporels et modernes, des losers magnifiques. On les lit sans chercher à les comprendre mais plutôt pour la simple beauté du geste, l’attractivité du déhanché. Faux roman inclassable paru en 1986 chez Minuit, il continue son petit bonhomme de chemin près de 40 ans plus tard. Vous remarquerez le graffiti discret « Trust » sur la photo de couverture de la réédition poche, c’est un symbole des années 80 mis en avant, un autre.

Echenoz nous use, jusqu’à la corde : « Ils firent le tour du château d’eau, sans se hâter. Le vent de temps à autre envisageait de se lever, se rendormait un peu, puis il s’étira sérieusement, bâilla des souffles épars, contradictoires, sous lesquels se nuançaient les couleurs des cultures : les céréales versant par masses leur tête lourde, plus claire sur l’avers, formaient de longues taches molles, mobiles, qui déclinaient en se déformant le mode chlorophyllien ».

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

(Warren Bismuth)

mercredi 18 septembre 2024

James WELCH « L’hiver dans le sang »

 


Avouez qu’il est plutôt curieux qu’un roman débute par ces mots : « Je pissai dans les hautes herbes du fossé ». Années 1960 et 1970 dans une réserve Blackfeet de l’Etat du Montana, un homme de 32 ans rentre chez lui où résident sa grand-mère et sa mère Teresa, fervente catholique. Le père, First Raise, est mort de froid dix ans auparavant. Le frère, Mose, a suivi un peu plus tard. Lame Bull vient d’épouser Teresa, il a huit ans de moins qu’elle. Quant au narrateur, il s’est entiché d’une fille qu’il a ramenée chez lui, mais la jeune femme s’est évaporée non sans l’avoir délesté d’un fusil et d’un rasoir électrique.


Voici donc la trame simple de ce premier roman de 1974. Le narrateur est un homme qui va devoir, par orgueil peut-être, retrouver la jeune femme disparue. Il erre dans des endroits malfamés du Montana, rencontre des ivrognes, des accidentés de la vie, des vagabonds, des alcooliques. Partout ça trafique, ça abuse et ça n’aime pas trop les indiens, alors que le narrateur en est un. C’est aussi un homme en recherche de femmes.

Les émotions ne cessent d’évoluer dans ce beau roman. La grand-mère centenaire est l’âme de la réserve, elle raconte le passé, elle est en quelque sorte l’historienne. Le narrateur, dont jamais le nom ne nous sera dévoilé, est un homme moderne, autochtone qui a perdu ses repères, ses racines, devenu ivrogne comme son père (un vagabond qui fricotait avec les Blancs), se moulant dans un monde qui lui est imposé, un monde matérialiste loin de ses croyances, du mode de vie de ses ancêtres. Les séquences dans les villes, les bistrots, les lieux de débauche dégainent cet humour si particulier que l’on retrouve chez d’autres écrivains dits de l’école du Montana, Jim Harrison (avec lequel Welch avait écrit le splendide petit livre « Terres d’Amérique ») et James Crumley en tête. Les chapitres dans la réserve sont plus lents, plus « sur la corde sensible », ils sont sensitifs et rappellent les propres origines de l’auteur. Quant au cheval Bird, vieux canasson qui tient à peine sur ses pattes, il est le témoin de ces décennies au sein de la réserve.


« L’hiver dans le sang » est une descente aux enfers d’un homme heurté. Mais James Welch ne cherche pas à faire pleurnicher, en sacré conteur il use de l’humour, dépeignant des situations burlesques, grotesques. Si dans le fond le roman est dramatique et bouleversant, l’auteur ne veut pas le rendre austère et applique un décor, des personnages décalés, paumés, mais qui ne rendent pas mal à l’aise. Ce roman est un parcours familial sur plusieurs générations, émané de lourds secrets de famille.

Roman de l’hostilité entre Blancs et Autochtones, de méfiance envers son voisin voire son ombre, roman du doute et de la fatalité : « Je me sentais de nouveau impuissant dans ce monde d’hommes blancs à l’affût. Mais ces indiens de chez Gable ne valaient guère mieux. J’étais un étranger pour les uns comme pour les autres, et les uns et les autres me cassaient parfois la figure ». Un narrateur anonyme en quête d’un avenir et de sa soi-disant petite amie envolée, malheureux dans un monde trop bruyant aux tentations trop nombreuses, une famille qui a souffert, et bien sûr cette plume de Welch qui rend le tout cohérent et simplement beau. Les dernières pages sont admirables, elles concluent l’aventure de manière forte et puissante. « L’hiver dans le sang » a été traduit en France pour la première fois en 1992, soit près de 20 ans après sa parution aux Etats-Unis. Il vient d’être réédité en poche avec une préface de Louise Erdrich, vous n’aurez donc plus d’excuse. Traduction Michel Lederer.

(Warren Bismuth)



dimanche 15 septembre 2024

Jean MECKERT « L’homme au marteau »

 


Cette lecture est présentée dans le cadre du challenge 2024 du blog Book’ing intitulé « Lire sur le monde ouvrier & les mondes du travail » :

https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2024/01/2024-lire-sur-le-monde-ouvrier-les.html

« L’homme au marteau » de 1943 fait directement suite à l’écriture du premier roman de l’auteur, « Les coups », publié fin 1941, et ce n’est sans doute pas un hasard tant leur similitude est troublante. Troublant aussi le patronyme de ce personnage principal, Augustin Marcadet, le même que celui déjà rencontré dans le brûlot antimilitariste et pacifiste « La marche au canon », écrit une première fois en 1940 et refusé pour publication. Meckert semble ici prolonger ces deux oeuvres à la fois.

Augustin Marcadet est un fonctionnaire du Trésor au service contentieux de Paris, 30 ans, sans envergure. Marié à Emilienne et père d’une petite Monique, 5 ans. Marcadet s’ennuie, à son travail comme dans la vie. La routine est pour lui une douleur de chaque instant, son patron et ses collègues l’exaspère. « Augustin Marcadet faisait semblant, semblant de vivre ».

Ses rares moments de détente sont pour le Tour de France cycliste et la littérature française classique. Mais Marcadet est un médiocre, toujours indéterminé, n’attendant déjà plus rien de la vie. Son métier l’use, le rend sombre, sans envie, apathique, aigri. Il se sent déjà vieillir. La retraite ? Il ne la décrochera que dans 30 ans. « Pendant trente ans, tu crois que je vais faire le paillasson, hein ?... Trente ans ! Bon Dieu ! Te rends-tu compte ?... Trente ans de la vie d’un homme !... À ramper ! À se faire cracher dessus par ceux qui sont à l’échelon supérieur !... Non, non, non ! Je te dis ! ».

La monotonie s’installe : boulot, dimanches ponctués de visites à la belle-famille, conversations banales, plates, lisses. Pourtant c’est bien sa famille – sa femme et sa fille – qui le retient de tout plaquer. Et ce mot qui revient, comme un cri de désespoir : « Rien ». Pour souffler, Augustin en est réduit à s’enfermer régulièrement dans les toilettes. Soudain, il se révolte. Il insulte son patron, claque la porte. Mais il n’ose confier son geste à sa propre femme et se met à vivre dans le mensonge. Il lui cache sa nouvelle situation de chômeur ainsi que sa rencontre avec une jeune fille, Odette. Pourtant, Augustin aime se répéter qu’il n’est pas méchant.

« L’homme au marteau » est un pur Meckert : charge féroce contre le patronat, il met en scène un homme ordinaire, faible, usé par sa condition, cherchant sa place dans un monde qu’il rejette. Roman noir urbain, il dépeint un Paris terne aux personnages peu pétillants. Dans « Les coups », l’anti-héros décidait de frapper sa femme pour combattre ses propres frustrations. Dans « L’homme au marteau », ce sera le mensonge et le masque.

Si ces deux romans se complètent, s’alimentent et se heurtent en même temps, troublante voire frappante est également l’exacte similitude scénaristique avec « La fuite de monsieur Monde » de Georges Simenon rédigé en mars 1944, soit seulement quelques mois après la sortie de « L’homme au marteau », une histoire quasi identique où si Simenon dépeint un homme vagabondant, Meckert décide d’y ajouter une touche non négligeable d’engagement, de critique de la société. À noter une autre ressemblance, bien moins glorieuse : l’antisémitisme. S’il n’est que très brièvement évoqué chez Meckert et n’est prononcé que dans la tête de « son » Augustin (ce qui pourrait dédouaner Meckert), Simenon l’a, lui usé jusqu’à la corde. Je recommande d’ailleurs, une pince sur le nez pour éviter les effluves, « Nouvelles introuvables » de Simenon, écrites pour la plupart en pleine occupation allemande et publiées par le journal collaborationniste d’extrême droite Gringoire, elles mettent en scène des étrangers ou des juifs immondes, lâches. Dans ce recueil, Simenon semble vouloir plaire à tout prix à l’occupant et use de toutes ses facultés ignobles pour y parvenir. Ce n’est sans doute pas par hasard que ces nouvelles sont aujourd’hui difficiles à se procurer. Quant à « La fuite de monsieur Monde », il pourrait fort avoir été grossièrement chipé au scénario de « L’homme au marteau », Meckert étant connu depuis « Les coups ». Fin de la parenthèse.

Meckert est en quelque sorte un Simenon révolté, politisé, social. La différence notoire dans le fond réside non pas dans le climat, fort similaire, mais dans l’expression écrite, puisque Meckert a choisi le langage populaire, des rues, ce que se retiendra de faire Simenon durant toute sa carrière. Le récit de Meckert est porté par cette verve dynamique au sein d’un quotidien figé, c’est son arme principale. « L’homme au marteau » est un roman tout à fait dans son temps, avec cet homme effacé mais révolté en dedans.

 (Warren Bismuth)



mercredi 11 septembre 2024

Elias KHOURY « La mémoire de Job »

 


Cette pièce du libanais Elias Khoury fut écrite à Beyrouth en 1993 pour le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Liban. Des scènes, des tableaux plutôt, sur les conditions et les débuts chaotiques et laborieux de l’indépendance, l’émancipation de 1943, alors que le pays se trouvait sous mandat français depuis 1920. « Le 11 novembre [1943 nddlr], les Français procèdent à l’arrestation du Président de la République chrétien, Bechara el Khoury, et du Premier ministre musulman, Rihad el Solh, ainsi que de Camille Chamoun et Salim Takla ».

50 ans d’indépendance, dont un tiers de guerre (1975-1990). Celle-ci aussi est longuement consignée, notamment par un certain Job, Ayyoub en arabe, qui a vécu les événements de la guerre civile en direct. Ce Ayyoub, personnage énigmatique, qui a existé mais que Elias Khoury s’approprie et réinvente pour en faire le fil rouge de sa pièce. Au-delà de ces instantanés, « La mémoire est Job » est un véritable livre sur l’histoire contemporaine du Liban depuis 1943 (cette date majeure que pourtant une partie de la population ignore).

La suite, non moins primordiale : de cette guerre de 15 ans, 20000 civils sont portés disparus, sans doute à tout jamais, ces fantômes que les familles recherchent, demandant des précisions, des renseignements aux autorités. En vain. Ces hommes ont été arrêtés et puis… Et puis ? Rien. Plus jamais de nouvelles. Il serait plus aisé de laisser tomber, d’oublier, mais « En finir avec le passé ? Mais alors, on n’est plus rien ! Un peuple sans histoire est un peuple sans volonté ». 1982, invasion de l’armée israélienne, année charnière avec notamment le massacre de Sabra et Chatila, summum de l’horreur dans cette guerre.

En fin de pièce le traducteur du présent volume à partir de l’arabe libanais, Roger Assaf, intervient pour deux courts textes éclairants en forme de documentaire, pour préciser certaines idées ou situations évoquées dans la pièce, dans un pays meurtri, en ruines, déglingué par la guerre, par l’occupation. Il paraît particulièrement ardu de résumer 50 ans d’une nation en à peine 70 pages, pourtant l’auteur Elias Khoury y parvient avec brio, en nous tenant en haleine, sans jamais mollir, faisant de cette « Mémoire de Job » un théâtre documentaire de très grande qualité. Un texte qui vient de paraître aux éditions L’espace d’un Instant, toujours en embuscade pour les piqûres de rappel sur l’histoire mouvementée de pays peu connus en France pour, par des pièces accessibles et résolument modernes, nous faire revivre les guerres, les drames, les tragédies et les volontés d’indépendance de peuples opprimés.

Edit : quelques heures après la publication de cette chronique Elias Khoury nous quittait...

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(Warren Bismuth)

dimanche 8 septembre 2024

Jacqueline DÉRENS « L’eau du paradis suivi d’Instants et fulgurances »

 


Jacqueline Dérens est une femme voyageuse engagée notamment pour le féminisme et contre l’apartheid depuis les années 1970. Dans ce recueil de poèmes elle nous entraîne dans plusieurs cultures, sur plusieurs continents.

« L’eau du paradis » est un très court poème de 2007 sur les derniers instants d’un pacha tandis qu’une trentaine de poèmes – très brefs également – constituent « Instants et fulgurances ». Leur palette est variée et nous amène dans différentes atmosphères où la révolte n’est jamais bien loin. Ces poèmes ont été écrits entre 1999 et maintenant, traitent de l’actualité, de la nature, des villes, des attentats du 13 novembre 2015, des saisons, des bords de mer ou encore de la savane d’Afrique du Sud, de Gaza, de l’Ukraine, de la mort ou encore de Olga Bancic l’absente de l’Affiche Rouge.

Rythmés par les saisons, ces poèmes parfois crépusculaires ont été écrits dans différentes circonstances, une poignée conçus lors de visites dans des lieux saints. Évocation de boutiques désertées : « tristes comme un cirque sans clown ». Et toujours, comme un ange gardien, le ciel pour témoin, ange impuissant devant la brutalité des guerres :

« Ailleurs, tout est violent et cruel.

Ici on ramasse les pommes rougies au soleil,

les poires fondantes sous la dent

Les châtaignes luisantes dans leurs bogues

qui piquent et font rire les enfants.

Ailleurs, on ramasse les corps hideux,

gorgés d’eau pourrissante,

Les débris des maisons pulvérisées

par les obus tueurs d’enfants.

Ici on se promène sur les ponts qui enjambent

des rivières charmantes,

Ailleurs on saute avec les ponts qui plongent dans

des torrents de feu et de sang ».

Ces poèmes sont des instantanés, brefs et percutants. L’espoir semble apparaître avec cette flore qui s’épanouit lors du confinement de 2020, enfin laissée en paix par des humains destructeurs. Sans oublier cet hommage à Pierre Soulages. Et ces bouts de phrases qui claquent : « S’il n’y avait pas de guerre, il n’y aurait pas de monuments aux morts ». Car cette poésie est on ne peut plus pacifiste.

L’objet en lui-même est une petite œuvre d’art : 12 centimètres sur 12, un petit bandeau amovible enserrant l’ouvrage avec le nom de l’autrice et le titre. Ces poèmes sont à la fois terrifiants sur la violence du monde et émerveillés devant la force de la nature. Ce petit livre d’un esthétisme redoutable vient de sortir aux éditions Le Ver à Soie. Il est à se procurer, et pas seulement pour soutenir cette éditrice indépendante et militante.

https://www.leverasoie.com/

(Warren Bismuth)

mercredi 4 septembre 2024

Isabelle FLATEN « Inféodée »

 


Hjørdis Løkkeberg est une jeune femme de 20 ans qui rêve de liberté au fond de sa Norvège. Désirant s’extraire de l’autorité paternelle – sa mère est décédée – elle part s’installer dans le même pays mais à environ 1000 kilomètres du nid familial. Le travail qu’elle y a trouvé est à la fois un prétexte et une opportunité. Là-bas elle s’éprend de Morten, avec lequel elle ne tarde pas à se marier. Mais ce Morten est-il bien celui qu’elle croyait ? Première déconvenue, il est militant actif au sein des témoins de Jéhovah. Une enfant naît de cette union : Selma. Sera-t-elle la créature qui les rapprochera ou les perdra ?

Dans des paysages que l’autrice a bien connus (elle a vécu en Norvège), Isabelle Flaten nous guide dans l’histoire et la culture norvégienne tout en nous faisant vivre aux côtés de Hjørdis. Une Hjørdis qui semble s’être trompée de vie, qui doute, se remet en question, alors que l’amour de Morten paraît s’étioler, comme son but même de vie : les témoins de Jéhovah. Les amis de Hjørdis sont loin d’être des personnages secondaires, ainsi Randi la confidente fidèle ou encore ce Jonas qui va jouer un rôle important.

Dans ce qui pourrait être un simple roman d’amour, Isabelle Flaten incorpore une bonne dose d’engagement : « Chacun a sa propre vision du bien et du mal et devrait pouvoir vivre en accord avec son éthique tant qu’il ne l’impose pas aux autres. Fieffé gouvernement qui prône haut et fort le droit à la différence et ne tolère aucun pas de côté. Qui s’acharne à combattre le repli sur soi au nom du ‘vivre ensemble’ quand l’Histoire a démontré que c’était une utopie ». « Inféodée » est un texte sur le doute, l’incertitude, la difficulté de prendre des décisions pourtant cruciales pour le reste de sa vie. C’est aussi un récit sur le déracinement, avec une Hjørdis dont le coeur navigue entre sa terre natale et celle d’adoption, mais qui choisira la première, comme un retour aux sources.

Roman du tiraillement, avec ce couple en proie aux démons d’une religion trop présente et trop sectaire, qui se déchire jusqu’à ce que l’acceptation et la tolérance de façade prennent la place de l’amour, le renvoient comme un chien galeux à ses espérances passées et révolues. Mais « Inféodée » est aussi un texte sur la trahison, la reconstruction et la recherche du bonheur après un objectif perdu de vue. Il se lit comme une complainte en forme d’espoir, comme un appel à la méfiance également : « À l’instar de tout égaré à qui l’on offre l’hospitalité sans condition, par respect et gratitude envers ses hôtes, il s’est efforcé de s’adapter à leurs us et coutumes. Entouré de bras grands ouverts, inondé de regards bienveillants, abreuvé de paroles réconfortantes, peu à peu l’esprit du lieu a infusé en lui sans qu’il y prenne garde ». Car c’est aussi un cri à la vigilance, contre la manipulation des esprits. Isabelle Flaten déploie son talent à tacler sans ménagement les sectes religieuses.

À l’instar de sa Lenka (« Les deux mariages de Lenka ») ou de son Emma Bovary (« Un honnête homme »), Isabelle Flaten déroule l’itinéraire d’une femme de son temps en recherche de repères et de liberté dans un univers réaliste où l’humour et le cynisme font bon ménage au milieu d’une écriture classique. Elle est de ces autrices qui restituent pleinement les sentiments féminins et leur légitime circonspection envers les promesses des hommes entre sentimentalisme et révolte. « Inféodée », ce beau titre, vient tout juste de sortir chez Anne Carrière, il entre en parfaite cohérence dans l’œuvre de l’autrice.

https://anne-carriere.fr/

 (Warren Bismuth)

dimanche 1 septembre 2024

Jennifer LAVALLÉ « Les journées sont si longues »

 


Cinq nouvelles, cinq femmes, cinq destins. L’autrice franco-belge Jennifer Lavallé dépeint avec méthode cinq existences de femmes qui a priori ne se connaissent pas et n’ont rien en commun sauf d’être chacune de (très) bonne famille. Dès l’amorce, le lectorat est sous le charme, avec cette première nouvelle, brève autant que merveilleusement facétieuse, mais je ne puis hélas rien vous révéler afin de vous en laisser découvrir tout le piquant.

Chaque nouvelle est précédée d’un proverbe qui en annonce la teneur. Petites historiettes qui, si elles sont toutes indépendantes, peuvent laisser entrevoir un fil d’Ariane, que ce soit dans une rupture amoureuse, la maladie, ou la vieillesse, il pourrait être le désir de liberté, la volonté (ou le besoin ?) de repartir de zéro, mais aussi dans une moindre mesure la nostalgie ou la peur de l’oubli.

Les rêves ainsi que l’élément liquide se font une place de choix dans ce recueil varié par ses thèmes. Ces femmes sont toutes intégrées dans la société dans laquelle elles évoluent, mais un choc émotionnel, toujours différent dans son approche, va faire basculer leur existence, parfois par un fait extérieur, parfois par un coup de patte (je pense au chat sur la couverture) de la protagoniste. « Les journées sont si longues » avance ses pions par petites touches poétiques, suaves et délicates, même si le fond peut s’avérer tragique.

La dernière nouvelle « Pâles soleils » occupe à elle seule plus de la moitié de ce mince volume de 80 pages. Une femme agressée, hospitalisée. Un chirurgien. Elle amnésique, séduite, lui prévenant. Très vite ils vivent ensemble. La suite est à découvrir dans ce recueil qui sait mettre en valeur des femmes aisées touchées dans leur élan. Bien sûr, la littérature n’est pas en reste : « Elle acheta son premier roman, « Bourlinguer » de Blaise Cendrars. Elle alla s’installer sur une chaise dans un jardin public et elle se mit à lire, avec avidité. De temps à autres, abandonnant sa lecture, elle observait les passants. Les amoureux sur les bancs. Les paumés. Les vieux et les enfants. Elle observait la ronde du monde avec détachement. Elle se sentait différente d’eux tous ».

Jennifer Lavallé sait mettre les formes stylistiques pour nous accompagner dans ses histoires, les phrases sont poncées jusqu’à ne laisser dépasser que la partie nécessaire, donnant une fluidité d’une grande poésie à chacun des récits. Ce livre pétillant et très attachant est  sorti en 2023 dans la maison d’auto-édition Librinova.

https://www.librinova.com/

(Warren Bismuth)