Jacqueline Dérens est une femme voyageuse engagée notamment pour le féminisme et contre l’apartheid depuis les années 1970. Dans ce recueil de poèmes elle nous entraîne dans plusieurs cultures, sur plusieurs continents.
« L’eau du paradis » est un très court poème de 2007 sur les derniers instants d’un pacha tandis qu’une trentaine de poèmes – très brefs également – constituent « Instants et fulgurances ». Leur palette est variée et nous amène dans différentes atmosphères où la révolte n’est jamais bien loin. Ces poèmes ont été écrits entre 1999 et maintenant, traitent de l’actualité, de la nature, des villes, des attentats du 13 novembre 2015, des saisons, des bords de mer ou encore de la savane d’Afrique du Sud, de Gaza, de l’Ukraine, de la mort ou encore de Olga Bancic l’absente de l’Affiche Rouge.
Rythmés par les saisons, ces poèmes parfois crépusculaires ont été écrits dans différentes circonstances, une poignée conçus lors de visites dans des lieux saints. Évocation de boutiques désertées : « tristes comme un cirque sans clown ». Et toujours, comme un ange gardien, le ciel pour témoin, ange impuissant devant la brutalité des guerres :
« Ailleurs,
tout est violent et cruel.
Ici on ramasse
les pommes rougies au soleil,
les
poires fondantes sous la dent
Les
châtaignes luisantes dans leurs bogues
qui
piquent et font rire les enfants.
Ailleurs,
on ramasse les corps hideux,
gorgés
d’eau pourrissante,
Les débris des maisons pulvérisées
par les obus tueurs d’enfants.
Ici on se promène sur les ponts qui
enjambent
des rivières charmantes,
Ailleurs on saute avec les ponts qui
plongent dans
des torrents de feu et de sang ».
Ces poèmes sont des instantanés, brefs et percutants. L’espoir semble apparaître avec cette flore qui s’épanouit lors du confinement de 2020, enfin laissée en paix par des humains destructeurs. Sans oublier cet hommage à Pierre Soulages. Et ces bouts de phrases qui claquent : « S’il n’y avait pas de guerre, il n’y aurait pas de monuments aux morts ». Car cette poésie est on ne peut plus pacifiste.
L’objet en lui-même est une petite œuvre d’art : 12 centimètres sur 12, un petit bandeau amovible enserrant l’ouvrage avec le nom de l’autrice et le titre. Ces poèmes sont à la fois terrifiants sur la violence du monde et émerveillés devant la force de la nature. Ce petit livre d’un esthétisme redoutable vient de sortir aux éditions Le Ver à Soie. Il est à se procurer, et pas seulement pour soutenir cette éditrice indépendante et militante.
(Warren
Bismuth)
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