Ces
monologues sont au nombre de trente-trois, brefs, vifs, parfois inattendus, d'une
longueur d'une à 3 pages. Trente-trois témoignages percutants de jeunes
habitant.e.s de Gaza au lendemain de raids israéliens pilonnant durant 3
semaines la bande de Gaza entre fin 2008 et début 2009. Ce qui frappe c'est que
la plupart de ces jeunes adultes voyaient, avant les bombardements, Gaza comme
le paradis sur terre. Un basculement s'opère dès les premiers assauts, peur,
sentiment permanent d'insécurité, odeur de mort, de poudre, cadavres, ruines,
subsistance au jour le jour. Les bombes ne tombent jamais bien loin, les
témoignages en font foi, souvent les obus tombent sur la maison d'à côté,
anéantissant les voisins, qui sont parfois de la famille. En quelques semaines
un carnage, une vie sereine s'éteint, une autre prend forme, périlleuse,
angoissée. Comme il est précisé en note de fin du présent volume « L'attaque israélienne sur la bande de
Gaza, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, conduit à la mort de 1380
palestiniens, parmi lesquels 431 enfants. On estime à 100000 le nombre de
personnes déplacées. Maisons, écoles, hôpitaux, lieux de culte et centres
culturels sont détruits ». Ces destructions, nos trente-trois témoins
en parlent, avec pudeur, humour parfois, malgré les séquelles, les plaies
ouvertes, physiques ou psychologiques. « Les gens de Gaza disent que la mer lave de tous les soucis, mais moi
mes soucis sont plus grands que la mer. Parce que, la dernière fois que j'étais
au bord de la mer, j'étais avec mon ami. On a nagé, rigolé, on s'est bien
amusés… Mais maintenant je n'arrive plus à aller à la mer ».
Trente-trois courtes tranches de vies résonnant comme un couperet, une saignée
sur une destinée, trente-trois témoignages mis en scène pour une pièce de
théâtre sans dialogues, traduite en 14 langues, jouée depuis sa création par
1700 jeunes jusqu’en 2013, le chiffre a dû grimper depuis. Ce THÉÂTRE ASHTAR
existe depuis 1991, basé à Ramallah, Cisjordanie, et invite de jeunes
palestiniens à s'exprimer pour faire partager leurs expériences, leurs
traumatismes de guerre, et dire que tout n'est pas perdu, même si la paix
revenue n'est que relative, dérisoire, et pue encore la mort à plein nez.
« Voilà où en sont Gaza et ses
rêves : notre souhait le plus cher est devenu de mourir d'une belle mort,
et non de vivre une belle vie ». C'est une leçon de résistance,
d'espoir. La version papier de cette pièce originale est parue en 2013 aux
Éditions L'ESPACE D'UN INSTANT.
(Warren Bismuth)
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