dimanche 22 avril 2018

Jérôme COLIN « Éviter les péages »



« Marcher sur l'eau
Éviter les péages
Jamais souffrir
Juste faire hennir
Les chevaux du plaisir »

A. BASHUNG, Osez Joséphine.

En mai 2015, Jérôme COLIN nous livre son premier roman, « Éviter les péages ». Ça commence un peu comme une chanson de BASHUNG, qui accompagne un chauffeur de taxi de 38 ans, hypocondriaque, marié et père de deux enfants. Il travaille de nuit, ce qui souvent lui permet de faire des rencontres étonnantes.

La route, le cocon rassurant de son taxi, la nuit (je mens) sont propices aux remises en questions, à la mise en perspective du temps qui passe, ce que l'on a fait, ce que l'on a loupé et ce que l'on a oublié. 38 ans, la veille de la quarantaine et de sa mythique crise ? Possible pour notre conducteur, dont la femme préfère se barrer quelques jours dès le début du roman avec les deux enfants afin de lui permettre de réfléchir. Elle est assez cool sa meuf, après 16 ans de vie commune ! Commencent les listes, le pour le contre, les souvenirs des débuts. Il y a Marie, cette jeune femme rencontrée quelques mois plus tôt avec laquelle il a passé une nuit, qui le hante et sur laquelle il fantasme une possible vie meilleure où les problématiques liées au linge à laver, aux devoirs des enfants à gérer, seraient absentes. Trois jours de liberté, fenêtre sur un possible : qu'est-ce que c'est de vivre seul ? Renouer avec son corps, avec son propre rythme, sans comptes à rendre mais sans contacts rassurants avec l'autre qui partage son lit.

Notre taximan attachant parcourt sa vie au rythme de la ville, une pause bière avec son ami, confident de toujours, une course à faire pour Henri, l'homme qu'il transporte trois jours par semaine, de chez lui à un mystérieux bar et dont le destin va remettre en perspective la propre vie de notre personnage principal.

Jérôme COLIN, comme dans son dernier roman (chroniqué précédemment), s'attaque au sujet le plus trivial qui soit : la vie de couple, sur le long terme. Il décortique soigneusement toutes les étapes de l'amour telles que nous les vivons de manière universelle, bien que nous pensions toutes et tous pouvoir éviter les pièges de la routine. Immanquablement, nous tomberons dedans, parce que les enfants, parce que le linge, parce que la fatigue, parce que nous partageons notre couche avec un corps archi connu dont l'odeur nous est tellement familière que l'on a l'impression de se sentir soi-même. Plaidoyer pour l'erreur, il nous faut parfois un électrochoc pour nous rendre compte que non, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs, et qu'il existe un sorte de fatalité à la routine, comme si nos choix, ceux qui nous protègent, nous transportent irrémédiablement vers l'effritement. La passion est une mise en danger.

On assiste à une prise de conscience progressive : la vraie vie n'est pas de se rencontrer dans un bar pour finir dans des draps inconnus qui, de toute façon, prendront le même chemin que ceux que l'on cherche à fuir.

Le personnage central du roman est très attachant, ce n'est pas un sale type coureur de jupons, c'est un homme tracassé qui cherche la remise en question et la petite bête. Poursuivi par la mort de son père, emporté par un cancer, il va chercher des réponses auprès de ses cendres mais le mort reste mutique, les réponses sont en lui, il faut juste qu'elles émergent. C'est la musique qui l'aide, à chaque CD ses pensées, surtout que la musique a rythmé de nombreuses périodes clé de sa vie amoureuse, notamment avec sa compagne.

Moins de 200 pages qui se laissent lire très facilement, chez Allary Éditions bien sûr !

https://www.allary-editions.fr/
(Émilia Sancti)

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