mercredi 25 avril 2018

Julia DECK « Viviane Elisabeth Fauville »


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Cette chronique est dédiée mes psychopotes embarqué-es dans la galère de la reprise d'études à P8, en psycho.
Fin de la parenthèse, à l'attaque !

Les Éditions de Minuit n'ont jamais aussi bien été nommées. De 23h à 1h j'ai lu sans discontinuer. Le coupable, c'est le roman de Julia DECK, « Viviane Elisabeth Fauville ».


La quatrième de couverture a bien joué son rôle : une femme assassine son psychanalyste, c'est parfait pour moi.
Le roman s'ouvre sur une femme, Viviane, dans son appartement tout juste loué, qui berce sa bébé dans son rocking chair. Il y a bien quelque chose qui cloche mais rien sur lequel elle arrive à mettre le doigt. Viviane est tout récemment célibataire, quittée par un mari qui s'est lassé, après 3 ans de relation et un bébé, une petite fille, de 3 mois. Le décor de l'appartement est spartiate, seule la chambre de l'enfant est un peu plus finalisée.
Il faudra attendre le mardi matin pour que les souvenirs remontent à la surface : Viviane a tué son psychanalyste, elle l'a poignardé violemment à l'aide des couteaux de cuisine qui lui ont été offerts pour son mariage. Du haut de ses 42 ans, de son poste à responsabilités dans une grande boîte dont elle assure la communication, il faut qu'elle trouve des solutions, sinon on va lui enlever son enfant. Dans son esprit elle échafaude un plan complètement absurde et choisit d'aller jusqu'au bout, pour se protéger. Entre passages au commissariat, filatures et fausse identité (pas si fausse car elle se présente comme Elisabeth), le petit monde de Viviane s'écroule. Son ex mari voit bien qu'elle perd pied, elle se met en danger, elle s'absente en laissant son bébé dormir, n'hésitant pas à la droguer pour qu'elle soit bien calme durant son absence. On notera d'ailleurs que cette petite Valentine (son prénom est cité une seule fois dans le livre), est réglée comme une horloge : le réveil à 6h le matin et les 120 minutes de sieste en fin d'aprem.

Narration particulière, focalisation particulière : on est Viviane, puis elle parle d'elle à la troisième personne, puis elle prend le point de vue des autres personnages qui gravitent autour d'elle. Cela donne un rythme incroyable, on intègre véritablement l'esprit torturé et tortueux de sa propriétaire.
Elle hallucine : sa mère est décédée, elle la voit parfois et l'on apprend qu'elle n'arrive pas à revendre les 80m2 de son appartement dans le 5e arrondissement parisien, préférant payer un loyer hors de prix pour une salle de bain vétuste (mais une cuisine toute neuve !).

On peut sourire souvent, et rire parfois, car Viviane est complètement à la masse. Néanmoins, nous sommes confrontés à une véritable « vignette clinique ». Chocs traumatiques (décès de sa mère, larguée par son mari), avec une pointe de dépression post-partum, Viviane part en sucette. Elle hallucine complètement et le dernier quart du roman nous permet de comprendre à quel point.

C'est, dans une certaine mesure, le mal du siècle qui est décrit : ces femmes, percluses de responsabilités, souvent mères sur le tard, abandonnées par le compagnon préférant la jeunesse et les formes de la nullipare. Les vertiges, le psy qui l'abandonne en minorant ses douleurs, plus intéressé par la troisième séance hebdomadaire qu'il faut programmer que par la souffrance psychique de sa patiente. Un psychanalyste qui est aussi psychiatre puisqu'il lui rédige son ordonnance de petites pilules bleues ou blanches, qui lui réussissent si bien, comme il lui dit, arborant un sourire paternaliste.

Une superbe découverte que je ne peux que recommander chaudement.


(Emilia Sancti)

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