Cette chronique est dédiée mes psychopotes
embarqué-es dans la galère de la reprise d'études à P8, en psycho.
Fin de la parenthèse, à l'attaque !
Les Éditions de Minuit n'ont jamais aussi
bien été nommées. De 23h à 1h j'ai lu sans discontinuer. Le coupable, c'est le
roman de Julia DECK, « Viviane Elisabeth Fauville ».
La quatrième de couverture a bien joué son
rôle : une femme assassine son psychanalyste, c'est parfait pour moi.
Le roman s'ouvre sur une femme, Viviane,
dans son appartement tout juste loué, qui berce sa bébé dans son rocking chair.
Il y a bien quelque chose qui cloche mais rien sur lequel elle arrive à mettre
le doigt. Viviane est tout récemment célibataire, quittée par un mari qui s'est
lassé, après 3 ans de relation et un bébé, une petite fille, de 3 mois. Le
décor de l'appartement est spartiate, seule la chambre de l'enfant est un peu
plus finalisée.
Il faudra attendre le mardi matin pour que
les souvenirs remontent à la surface : Viviane a tué son psychanalyste,
elle l'a poignardé violemment à l'aide des couteaux de cuisine qui lui ont été
offerts pour son mariage. Du haut de ses 42 ans, de son poste à responsabilités
dans une grande boîte dont elle assure la communication, il faut qu'elle trouve
des solutions, sinon on va lui enlever son enfant. Dans son esprit elle
échafaude un plan complètement absurde et choisit d'aller jusqu'au bout, pour
se protéger. Entre passages au commissariat, filatures et fausse identité (pas
si fausse car elle se présente comme Elisabeth), le petit monde de Viviane
s'écroule. Son ex mari voit bien qu'elle perd pied, elle se met en danger, elle
s'absente en laissant son bébé dormir, n'hésitant pas à la droguer pour qu'elle
soit bien calme durant son absence. On notera d'ailleurs que cette petite
Valentine (son prénom est cité une seule fois dans le livre), est réglée comme
une horloge : le réveil à 6h le matin et les 120 minutes de sieste en fin
d'aprem.
Narration particulière, focalisation
particulière : on est Viviane, puis elle parle d'elle à la troisième
personne, puis elle prend le point de vue des autres personnages qui gravitent
autour d'elle. Cela donne un rythme incroyable, on intègre véritablement
l'esprit torturé et tortueux de sa propriétaire.
Elle hallucine : sa mère est décédée,
elle la voit parfois et l'on apprend qu'elle n'arrive pas à revendre les 80m2
de son appartement dans le 5e arrondissement parisien, préférant payer un loyer
hors de prix pour une salle de bain vétuste (mais une cuisine toute neuve !).
On peut sourire souvent, et rire parfois,
car Viviane est complètement à la masse. Néanmoins, nous sommes confrontés à
une véritable « vignette clinique ». Chocs traumatiques (décès de sa
mère, larguée par son mari), avec une pointe de dépression post-partum, Viviane
part en sucette. Elle hallucine complètement et le dernier quart du roman nous
permet de comprendre à quel point.
C'est, dans une certaine mesure, le mal du
siècle qui est décrit : ces femmes, percluses de responsabilités, souvent
mères sur le tard, abandonnées par le compagnon préférant la jeunesse et les
formes de la nullipare. Les vertiges, le psy qui l'abandonne en minorant ses
douleurs, plus intéressé par la troisième séance hebdomadaire qu'il faut
programmer que par la souffrance psychique de sa patiente. Un psychanalyste qui
est aussi psychiatre puisqu'il lui rédige son ordonnance de petites pilules
bleues ou blanches, qui lui réussissent si bien, comme il lui dit, arborant un
sourire paternaliste.
Une superbe découverte que je ne peux que
recommander chaudement.
(Emilia Sancti)
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