Sacha, jeune homme dont le couple vient
d’exploser (on saura pourquoi vers la fin du roman) déménage dans un immeuble
moscovite sur le même palier qu’une vieille femme de 91 ans, Tatiana
Alexeïevna, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Rapidement lors de leur
première conversation, Tatiana fait part à Sacha qu’elle a vécu l’horreur
durant la deuxième mondiale. Tout d’abord distant, Sacha finit par être happé
par les souvenirs de la vieille dame.
En effet, STALINE n’était pas un si grand
ennemi du nazisme qu’on pouvait (ou voulait) le croire, le pacte de
non-agression signé entre STALINE et RIBBENTROP fut utile pour des pourparlers
et alliances ainsi que pour une certaine protection implicite proposée à HITLER
de la part du pouvoir soviétique, ceci avant l’avancée des troupes allemandes
du côté de Stalingrad. Puis il y eut les quelques 3 000 prisonniers russes
en Roumanie, dont le mari de Tatiana, elle-même salariée du NKID (ministère
russe des affaires étrangères). C’est là qu’elle devra recopier la liste des
3 000 noms de prisonniers, elle décidera de ne pas inscrire le nom de son
mari.
Au fil du récit, Tatiana égrène ses
souvenirs, fait part du sort réservé aux prisonniers russes par le gouvernement
Stalinien (des moments terribles mais dédramatisés par la plume de l’auteur).
Elle est parallèlement très curieuse de connaître le parcours du jeune Sacha,
lui-même extrêmement hostile au départ car, effectivement sa vie à lui n’a pas
non plus été de tout repos. Que Sacha soit arbitre de football n’est pas d’un
grand poids dans le roman, que Tatiana soit Alzheimer en a beaucoup plus, car
une course contre la montre et pour la mémoire collective s’enclenche. Tatiana
a vécu des drames indicibles, et si elle est encore vivante à 91 ans, c’est
qu’elle avait un but dans la vie : découvrir une certaine vérité.
Le mépris des autorités soviétiques pour
les prisonniers russes est révoltant et laisse béat. Le roman est parsemé de
croix (d’où son titre), dont le rôle du Comité International de la Croix Rouge
durant le conflit. « Croix rouges » est un excellent roman russe
contemporain, mais comme beaucoup de romans de là-bas, il fait la part belle
aux tragédies historico-politiques (un peuple qui a été servi plus souvent qu’à
son tour), il est à la fois roman et récit historique. La trame est bien sûr
cet héritage historique, garder ou partager, oublier ou déterrer le passé au
risque de ne pas se relever. Sacha FILIPNEKO est un jeune auteur biélorusse (34
ans) mais dont c’est déjà pourtant le quatrième livre, un livre plein de
talent, qui ne sombre jamais dans le pathos ou la publicité pour mouchoirs
jetables. C’est sobre, bien construit, très maîtrisé, et si l’on peut deviner
d’entrée quelle sera la conclusion du roman, FILIPENKO s’y prend comme un vieux
routier de l’écriture pour nous y amener patiemment et intelligemment.
Le roman est assez court mais répond à
certaines questions historiques d’envergure. Foncez du côté des Éditions des
Syrtes, ça vient de sortir !
(Warren
Bismuth)
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