Après avoir été un phénomène aux États-Unis
en 2017, voilà « My absolute darling » de Gabriel TALLENT qui
débarque aux éditions Gallmeister tout début mars 2018. Salué par la critique,
carrément encensé par Stephen KING que j'aime beaucoup, il ne m'en fallait pas
plus pour sauter dessus, après un raté littéraire (abandonner une lecture est
toujours le petit deuil d'un espoir gâché).
« My absolute darling » faillit me
tomber des mains... Petite histoire d'une désillusion bien rattrapée.
Pour commencer une lecture, je me fie aux
avis des lecteur-ices que je survole rapidement (surtout les critiques
négatives, j'avoue) et je me fie comme beaucoup, à la quatrième de couverture.
Parfois il ne faut pas, j'ai attendu longtemps ce qui était confié par le
résumé et, déçue dans un premier temps, j'ai failli abandonner. Heureusement,
j'ai tenu.
Turtle/Croquette est une adolescente, Julia
de son vrai prénom (d'où viennent ces étranges surnoms, là est la question !),
fille unique qui grandit avec son père, Martin, depuis la disparition de sa
mère. Son grand-père paternel achève le tableau familial en vivant non loin de
là, dans sa caravane, avec son chien. Dès les premières pages, c'est un univers
quasi redneck qui s'impose à nous : une maison perdue dans la campagne du
nord de la Californie, une existence qui se déroule entre cuisson des steaks,
les coups de fusils et de grands espaces. On se balade parmi les pins douglas,
muricata, et les cyprès. La nature est omniprésente, et contribue à l'ambiance
tant elle nous isole de la civilisation.
Car on est loin de la civilisation chez
Martin : il éduque sa fille à la dure, il est parfois cruel et carrément
incestueux. Dire que c'est malsain est un euphémisme.
Rien ne rattrape Turtle : ses résultats
scolaires sont médiocres, ses amitiés nulles, elle accomplit chaque jour les
mêmes rituels, gober ses œufs crus, lancer une bière à son géniteur (dès le
petit dej'), partir prendre le bus pour aller à l'école. Tellement persuadée de
sa médiocrité, elle se parle à elle-même de la même manière que Martin lui
parle, alignant allègrement les insultes et les termes péjoratifs et
dépréciatifs. L'adolescente grandit dans la peur, dans la haine et dans l'amour
aveugle qu'elle porte à son père.
Le récit prend un tournant à la faveur de
trois rencontres : deux adolescents, Brett et Jacob, et une enseignante,
Anna, qui choisit de lui tendre la main. Il est visible que Turtle grandit, a
minima dans une famille dysfonctionnelle. On assiste alors à une remise en
question, la jeune fille s'interroge sur la relation qu'elle entretient avec
son père, introspection qui s'accompagne de la découverte du sentiment
amoureux. Tout finira de basculer grâce à l'absence éphémère du bourreau et à
l'arrivée de Cayenne, la fillette de 10 ans qui permettra à Turtle d'ouvrir les
yeux, définitivement.
Ce roman est une dégringolade, un aller
simple vers l'enfer, où Turtle ne va pouvoir compter que sur elle-même et sur
ses choix. Le personnage qu'elle incarne évolue à grande vitesse dans le roman,
elle apprend à se faire confiance et à se rebeller contre Martin. La Julia des
dernières pages n'a quasi plus rien en commun avec la Croquette du début.
Ne lisez pas la quatrième de couverture,
laissez au récit le temps de s'installer, il faut attendre le dernier tiers du
roman pour que les choses s'accélèrent. J'espère d'ailleurs que vous aurez bien
profité de l'accalmie des premières pages, car quand ça démarre, c'est sur les
chapeaux de roue et ça va dans le mur !
Je recommande vivement cette lecture que je
ne regrette pas d'avoir poursuivie, néanmoins soyez vigilant-es, certains
passages sont assez violents, que ce soit explicite ou implicite. Cependant, ce
n'est pas un voyeurisme inutile, cela sert parfaitement la trame.
Merci qui ? Merci Gallmeister !
(Émilia Sancti)
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