En août 2017 sort le premier roman de
Sébastien SPITZER aux éditions de l'Observatoire. Le thème qu'il choisit de
traiter est ambitieux car nombre de romans, de documentaires, de témoignages
ont vu le jour et continueront à voir le jour, il faut donc trouver un angle
d'attaque qui soit original. Je parle ici de la Seconde Guerre Mondiale.
L'auteur choisit de nous parler de Magda GOEBBELS, femme puissante du IIIe
Reich, épouse du tristement célèbre Joseph GOEBBELS, en charge du ministère du
Reich à l'éducation du peuple et à la propagande. Cette femme est un personnage
très controversé dans la mesure où elle accomplit le tabou ultime, mettre fin à
la vie de ses enfants, après les avoir utilisés comme outils de propagande à la
faveur du national socialisme.
C'est précisément cet acte de barbarie qui
fascine, interroge, et horrifie le grand public. C'est cet acte que des
historiens ont essayé d'expliquer au regard de sa vie, et plutôt de ses choix
de vie.
Sébastien SPITZER choisit de parler d'un
moment clé de cette femme, la toute fin de sa vie, ce moment où elle s'enferme
dans son bunker berlinois avec son mari, ses enfants, et le couple Adolf HITLER/
Eva BRAUN, la chienne Blondi, son chiot et les derniers soldats, garde
rapprochée du Führer. On y croise aussi STUMPFEGGER, le médecin particulier d’HITLER
qui délivre les doses létales de poison à Magda pour ses enfants (et qui fut en
charge de donner les siennes à HITLER et sa femme).
En parallèle de ces quelques derniers jours
de Magda et de sa clique, on peut suivre plusieurs personnages : Judah,
Fela, Ava, qui fuient les dernières exactions, en détenant des lettres
essentielles à la compréhension du récit dans son unité, et Richard FRIEDLÄNDER,
le père « adoptif » de Magda GOEBBELS, père qu'elle renie de toute
son âme car juif, qui fut raflé.
Le récit s'appuie sur de nombreux faits
réels (la grange, la photographe américaine, bien sûr les derniers jours des
dirigeants du Reich), néanmoins SPITZER a choisi de rajouter l'histoire des
lettres de FRIEDLÄNDER à Magda, sa fille, qui lui raconte ce qu'il subit, qui
l'appelle à l'aide (en vain) et qui finit par la détester. Ces lettres sont
trouvées au camp où il a été déporté puis tué et furent continuées par les
détenus, passées de mains en mains à chaque assassinat pour que la mémoire
collective puisse continuer à s'écrire à travers les portraits individuels des
condamnés. Les derniers à y apposer quelque chose furent Judah et Fela. Fela
qui nous permet de découvrir une grande dame des camps, une sage-femme qui
sauvait les nourrissons et leur jeune mère, Stanislava LESZCYNSKA, à Auschwitz.
C'est ce parti pris là, en choisissant
d'apporter cet élément romancé et fictif à un ensemble de faits réels quoique
romancés qui valurent à SPITZER les plus virulentes critiques. Je ne serai pas
aussi vindicative, ce choix est très cohérent et c'est ce qui donne une unité
indéniable au roman. De plus, comme il le dit lui-même dans la postface, les
éléments relatés dans ses fausses lettres sont parfaitement vrais, ils sont
inspirés de la vie des juifs avant les rafles, puis de leur quotidien dans les
camps (le travail forcé, les maladies, les sélections). Ceci ne gêne en rien la
lecture.
C'est, à mon sens, un bon roman, la langue
est vraiment soignée, le vocabulaire surtout est précis, demandant parfois même
de solliciter le dictionnaire (je confesse ne pas connaître le sens de tous les
mots de la langue française, HONTE SUR MOI), ce qui est appréciable (j'ai
honnêtement acquis 2 ou 3 nouveaux termes, je viens de retrouver emblave
– je vous laisse le soin d'ouvrir vos dictionnaires – au fond de mon esprit,
que je ne connaissais pas).
Ce qui m'empêche d'être totalement
objective, c'est que des romans divers et variés sur tout thème de la seconde
guerre Mondiale, j'en ai lu des caisses, et des caisses, et des caisses. Alors
je n'ai rien appris de particulier (mis à part quelques mots de vocabulaire),
et si le récit est plaisant (à prendre dans le sens de bien écrit) et se lit
vite, je n'ai pas le sentiment d'avoir découvert la perle de l'année. Il a
néanmoins le mérite de ne pas massacrer cette période de l'histoire en la
livrant avec assez de pudeur et de respect pour les enfants, les femmes et les
hommes qui se sont éteints tout au long de ces années brunes.
« Ces rêves qu'on piétine », c'est
autant la désillusion d'une femme qui fut assoiffée de pouvoir que la
désillusion de ceux qui y sont resté, que la désillusion de ceux qui sont
revenus. J'apprécie beaucoup le titre qui a été choisi tant il se comprend de
manière diverse après lecture.
Si les témoignages de rescapés de camps vous
intéressent, je ne peux que vous conseiller les 3 ouvrages aux Éditions de
Minuit de Charlotte DELBO sur l'avant, pendant et après les camps, riches
d'enseignements et d'humilité.
https://editions-observatoire.com/
(Emilia Sancti)
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