Compagnie k, roman de William MARCH, est
sorti aux États-Unis en 1933. Il ne nous parviendra qu'en 2013 via la
collection « Americana » chez Gallmeister.
Le format est étonnant : à travers les
anecdotes des soldats de l'US Marines Cops, la compagnie k, nous découvrirons
l'enfer du front, de décembre 1917 jusqu'à la fin de la guerre, puis nous
aurons un aperçu de leur retour au pays.
Le roman de William MARCH est presqu'un
documentaire, la frontière est ténue. 113 tranches de vie et de mort en 230
pages, cela donne un rythme singulier à la narration. Tour à tour les
interlocuteurs se succèdent dans une ronde effrénée qui est celle de la course
à la vie. La hiérarchie militaire nous importe peu, les récits des soldats, des
capitaines, des adjudants et autres gradés sont identiques en tous points,
signe, s'il en fallait un, que devant les grenades et les baïonnettes, nous
sommes tous mortels.
La progression est chronologique : des
premiers pas dans l'est de la France à la rigueur du front et des tranchées,
les désertions, les rébellions individuelles devant les horreurs, (passage
obligatoire de tout conflit armé) la faim, la nostalgie, l'hôpital, puis le
retour. Si la troupe, la compagnie est une entité à elle toute seule, le
lecteur découvre peu à peu la somme des individualités qui la compose.
Il n'y a pas de voyeurisme, pas de faux
sentiments. De tous les témoignages, si je devais n'en retenir qu'un seul, cela
serait celui du soldat Manuel Burt, p.218, dans la troisième partie du récit donc,
le retour au pays. Ce soldat est hanté par la mort d'un homme, un allemand,
qu'il a tué, en tombant sur lui par hasard alors que ce dernier mangeait sa
ration de pain noir. Deux balles, et un coup de baïonnette du menton au
cerveau, tant et si bien qu'il y laissa son arme, dans le crâne de
l' « ennemi ». De retour au pays, le soldat cauchemarde sans
arrêt, la guerre n'est pas derrière lui, elle est aussi en lui et devant lui,
il ne la quittera jamais.
« - Je t'ai vu en train de manger ton
pain avant que tu ne me voies. Avant que tu tournes la tête, je t'ai souri, tu
me rappelais tellement un gars de chez moi, il était tout le temps en train de
rire et de raconter des blagues. Il s'appelait Arthur Cronin et on jouait tous
les deux dans l'orchestre du lycée. Il essayait de se faire pousser la
moustache, lui aussi, mais elle poussait pas bien et les filles le charriaient
à cause de ça... Au début, j'ai eu envie de rire et de venir m'asseoir à côté
de toi pour te raconter...
·
Pourquoi
tu l'as pas fait ? Il a demandé.
·
Je
sais pas, j'ai dit. » (p.
223)
(Emilia Sancti)
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