mercredi 11 avril 2018

Sébastien SPITZER « Ces rêves qu’on piétine »


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En août 2017 sort le premier roman de Sébastien SPITZER aux éditions de l'Observatoire. Le thème qu'il choisit de traiter est ambitieux car nombre de romans, de documentaires, de témoignages ont vu le jour et continueront à voir le jour, il faut donc trouver un angle d'attaque qui soit original. Je parle ici de la Seconde Guerre Mondiale. L'auteur choisit de nous parler de Magda GOEBBELS, femme puissante du IIIe Reich, épouse du tristement célèbre Joseph GOEBBELS, en charge du ministère du Reich à l'éducation du peuple et à la propagande. Cette femme est un personnage très controversé dans la mesure où elle accomplit le tabou ultime, mettre fin à la vie de ses enfants, après les avoir utilisés comme outils de propagande à la faveur du national socialisme.

C'est précisément cet acte de barbarie qui fascine, interroge, et horrifie le grand public. C'est cet acte que des historiens ont essayé d'expliquer au regard de sa vie, et plutôt de ses choix de vie.

Sébastien SPITZER choisit de parler d'un moment clé de cette femme, la toute fin de sa vie, ce moment où elle s'enferme dans son bunker berlinois avec son mari, ses enfants, et le couple Adolf HITLER/ Eva BRAUN, la chienne Blondi, son chiot et les derniers soldats, garde rapprochée du Führer. On y croise aussi STUMPFEGGER, le médecin particulier d’HITLER qui délivre les doses létales de poison à Magda pour ses enfants (et qui fut en charge de donner les siennes à HITLER et sa femme).

En parallèle de ces quelques derniers jours de Magda et de sa clique, on peut suivre plusieurs personnages : Judah, Fela, Ava, qui fuient les dernières exactions, en détenant des lettres essentielles à la compréhension du récit dans son unité, et Richard FRIEDLÄNDER, le père « adoptif » de Magda GOEBBELS, père qu'elle renie de toute son âme car juif, qui fut raflé.

Le récit s'appuie sur de nombreux faits réels (la grange, la photographe américaine, bien sûr les derniers jours des dirigeants du Reich), néanmoins SPITZER a choisi de rajouter l'histoire des lettres de FRIEDLÄNDER à Magda, sa fille, qui lui raconte ce qu'il subit, qui l'appelle à l'aide (en vain) et qui finit par la détester. Ces lettres sont trouvées au camp où il a été déporté puis tué et furent continuées par les détenus, passées de mains en mains à chaque assassinat pour que la mémoire collective puisse continuer à s'écrire à travers les portraits individuels des condamnés. Les derniers à y apposer quelque chose furent Judah et Fela. Fela qui nous permet de découvrir une grande dame des camps, une sage-femme qui sauvait les nourrissons et leur jeune mère, Stanislava LESZCYNSKA, à Auschwitz.

C'est ce parti pris là, en choisissant d'apporter cet élément romancé et fictif à un ensemble de faits réels quoique romancés qui valurent à SPITZER les plus virulentes critiques. Je ne serai pas aussi vindicative, ce choix est très cohérent et c'est ce qui donne une unité indéniable au roman. De plus, comme il le dit lui-même dans la postface, les éléments relatés dans ses fausses lettres sont parfaitement vrais, ils sont inspirés de la vie des juifs avant les rafles, puis de leur quotidien dans les camps (le travail forcé, les maladies, les sélections). Ceci ne gêne en rien la lecture.

C'est, à mon sens, un bon roman, la langue est vraiment soignée, le vocabulaire surtout est précis, demandant parfois même de solliciter le dictionnaire (je confesse ne pas connaître le sens de tous les mots de la langue française, HONTE SUR MOI), ce qui est appréciable (j'ai honnêtement acquis 2 ou 3 nouveaux termes, je viens de retrouver emblave – je vous laisse le soin d'ouvrir vos dictionnaires – au fond de mon esprit, que je ne connaissais pas).

Ce qui m'empêche d'être totalement objective, c'est que des romans divers et variés sur tout thème de la seconde guerre Mondiale, j'en ai lu des caisses, et des caisses, et des caisses. Alors je n'ai rien appris de particulier (mis à part quelques mots de vocabulaire), et si le récit est plaisant (à prendre dans le sens de bien écrit) et se lit vite, je n'ai pas le sentiment d'avoir découvert la perle de l'année. Il a néanmoins le mérite de ne pas massacrer cette période de l'histoire en la livrant avec assez de pudeur et de respect pour les enfants, les femmes et les hommes qui se sont éteints tout au long de ces années brunes.

« Ces rêves qu'on piétine », c'est autant la désillusion d'une femme qui fut assoiffée de pouvoir que la désillusion de ceux qui y sont resté, que la désillusion de ceux qui sont revenus. J'apprécie beaucoup le titre qui a été choisi tant il se comprend de manière diverse après lecture.

Si les témoignages de rescapés de camps vous intéressent, je ne peux que vous conseiller les 3 ouvrages aux Éditions de Minuit de Charlotte DELBO sur l'avant, pendant et après les camps, riches d'enseignements et d'humilité.

https://editions-observatoire.com/

(Emilia Sancti)

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