Silverton, Oregon, nord ouest des
Etats-Unis, 1974. L’auteur nous présente quelques personnages : David,
colocataire de Melody, il souhaiterait bien l’inviter dans son lit, elle non.
Il est plus ou moins amant de Vivian, sa prof de piano, elle-même peu snobe sur
le biberon. Ray le frère de David est mineur, a eu deux jumelles avec Jordan
qui ne crache pas sur un petit verre. Malloy, un autre personnage est aussi
mineur. En couple avec Ann dont il est très jaloux, pas touche. Ann a une jeune
sœur, Penny, sourde muette, attachante, libre malgré son handicap. Quant à
Lyle, mineur également, séparé d’avec Trudy l’amour de sa vie, il souhaiterait
bien une aventure avec Lily. Mais rien ne se passe. Pour info le père de David
et Ray bosse dans les bureaux de la mine d’argent qui accessoirement pollue la
vallée encaissée.
On pourrait se trouver devant une bluette
au cœur d’un bourg chiant et des habitants banals, un rien aigris, un brin
rednecks modernes, picoleurs, mais plus pour s’étourdir que pour danser la
country sur des tables de saloon. Seulement voilà, la mine, point central de la
ville, prend feu. Et là tout bascule, les destins, les envies, les attentes,
etc., car comme vous pouvez vous en doutez, certains vont laisser leur peau à
quelque 1200 mètres sous terre, ne vont jamais remonter, ou alors les pieds
devant, poumons saturés de monoxyde de carbone. Près de 100 ouvriers victimes
de la grande faucheuse, enterrés avant l’heure.
Au-dessus, sur la terre ferme, les
nouvelles sont rares, erronées. La radio donne bien des informations, mais qui
tiennent plus de la rumeur que d’autre chose. Bref, Lyle est au fond de la
mine, en binôme naufragé avec Terry. Eux vivent le cauchemar au quotidien, ça
va durer 16 jours. Mais reviendront-ils à l’air pur pour tisaner avec les
collègues ?
Comme vous avez pu le sentir, au début du
roman les personnages ne m’ont pas fait forte impression : vie banale,
fantasmes, projets, famille, bistrot, dans une réalité plutôt misérable. Puis
le drame, et là les caractères s’approfondissent, se développent, s’étoffent dans
la souffrance, le chagrin, la destinée, la nostalgie, la mélancolie, l’envie
d’avancer qui ne vient plus. Roman basé sur la reconstruction, les cicatrices
psychologiques, l’absurdité de la vie, les regrets, les remords, les
« merde tout ça est trop con ».
Le fond (de la mine) : l’accident
évoqué dans ce bouquin a réellement eu lieu, et réellement en 1972. Bien sûr,
ça ne peut que nous rappeler l’excellent roman de 2017 « Le jour
d’avant » de Sorj CHALANDON (par ailleurs présenté en son temps dans ce
blog) qui, lui aussi d’après une tragédie minière mais survenue en 1974 dans le
nord de la France, imagine des figures cassées, des avenirs brisées. Le résumé
de « De l’autre côté des montagnes » le compare aux « Beaux
lendemains » du grand Russell BANKS. Oui pour la reconstruction, mais le
climat est cependant assez différent.
Dans le livre, les gens prient, croient,
vont à l’Eglise, comme insensibles aux nouvelles mouvances culturelles et
artistiques (je pense aux hippies notamment), une ville figée dans ses
traditions.
Ce livre aurait pu être un des « page
turners » dont on se sépare sans scrupules, que l’on referme comme on boit
une gorgée d’eau tiède. Mais il y a le drame minier, les protagonistes
mûrissent d’un coup, se rident le cœur. Roman désenchanté sur le post-trauma,
il est prenant et froid comme une mine abandonnée. Pour finir la couverture est
magnifique. Le drame ne survenant pas très tard dans l’histoire, vous serez
rapidement dans le vif du sujet.
C’est la collection Terres d’Amérique qui
propose ce roman de 2018, âpre, lent, violent, sombre aux relents sordides
voire morbides. Vous pouvez l’amener sur les plages cet été, mais je ne suis
pas convaincu qu’il puisse vous détendre.
(Warren
Bismuth)
On me souffle que Kevin est le frère de Brendan Canty le batteur de Fugazi!
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