dimanche 1 juillet 2018

Vincent BAILLY & Tristan THIL « Congo 1905 – Le rapport Brazza, le premier secret d’État de la Françafrique »


Un long titre qui pourtant éclaire tout à fait sur ce que renferme cette BD historique : un rapport de 1905, considéré comme volé, perdu, puis détruit, qui refait surface et qui est la trame de ce récit. L’Histoire du Congo est un labyrinthe, un écheveau très complexe. Cette BD s’attache donc à la partie française du Congo au tout début du XXe siècle, et particulièrement lorsque Émile GENTIL en est commissaire général à partir de 1904 (il le sera durant 5 ans).

C’est pourtant un ancien commissaire général du Congo (entre 1891 et 1897), Pierre SAVORGNAN DE BRAZZA, qui  écrit un rapport accablant impliquant les hautes autorités françaises d’actes de barbarie sur le sol congolais envers la population autochtone noire. Il décide en 1905 de rédiger ce rapport après un immonde fait divers dit l’affaire GAUD/TOQUÉ, le premier administrateur des colonies, le second commis des affaires indigènes. C’est en 1903 qu’ils ont introduit un bâton de dynamite dans le rectum d’un homme afin de l’exécuter, mais ce n’est qu’en 1905 que l’affaire éclate.

Il serait très difficile en quelques lignes de revenir sur les relations, les faits divers, les mystères, les secrets du couple France/Congo d’alors. En tout état de cause, c’est bien BRAZZA qui va lancer l’alerte par son rapport dont la vie aura été particulièrement tumultueuse. Pour l’écrire, BRAZZA se rend à nouveau sur place, c’est là qu’il voit l’innommable : on torture, on tue, on fusille. La colonisation devient une loterie, ce sont les débuts de la fameuse Françafrique. Il va se donner les moyens de dénoncer cette horreur, même s’il sait qu’il met sa vie en danger.

C’est ce que raconte cette BD, de la genèse aux conséquences de ce rapport encombrant (la capitale Brazzaville tient son nom de BRAZZA). C’est parfaitement documenté et c’est agrémenté d’un dossier solide en fin de volume. De cette même époque mais pour la partie belge du Congo, l’excellentissime Éric VUILLARD avait écrit le roman d’un massacre, « Congo », un pays appartenant plus ou moins au roi belge LEOPOLD II. Dans cette BD, exactement durant les mêmes dates historiques, Vincent BAILLY et Tristan THIL nous plongent dans un autre bain de sang, un sang qui a eu du mal à éclabousser jusqu’en métropole étant donné le mystère longuement gardé à propos du rapport.

Une BD féroce et efficace qui fait réfléchir, et même si les auteurs s’empressent d’écrire qu’elle n’est pas exhaustive, elle est néanmoins un précieux témoin d’une période où les colonies résonnaient comme des camps d’esclavage, voire d’extermination. Les dessins sont bruts, la ligne assez violente, tout comme les visages représentés. Mais avec un tel scénario à décrire, on aurait eu du mal à trouver crédibles des sourires sur fond de rose bonbon. Remarquable travail, une BD pour ne pas oublier certaines exactions qui ont marqué un peuple à jamais. Paru chez FUTUROPOLIS en 2018.

http://www.futuropolis.fr/

(Warren BISMUTH)

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