samedi 18 août 2018

Alexandre DUMAS « La reine Margot »


Roman ? Non messire, immense fresque de la France durant une période très précise et brève de sa longue Histoire, exactement à partir du mariage de la fameuse « Reine Margot » avec le roi de Navarre le 18 août 1572, jusqu'au décès du roi de France Charles IX le 30 mai 1574. Entre ces deux années auront eu lieu des tas d'anecdotes et faits divers, à commencer par le massacre de la Saint Barthélemy 6 jours seulement après le mariage de la reine Margot, massacre ravivant à gros bouillons (de sang) les plaies déjà béantes entre les deux France : la catholique et la huguenote.

Si DUMAS reprend scrupuleusement la trame des événements réels entre ces deux dates précitées marquant l'Histoire de France, il se gausse à rajouter du piment et du suspense avec des faits inventés, notamment pour les peines de cœur et trahisons amoureuses. L'action se déroule quasi uniquement dans le palais du Louvre (alors résidence de la royauté française), même si DUMAS décrit avec précision des quartiers entiers du Paris d'alors, enrichissant notre savoir, et nous permettant de « crâner » ultérieurement en société, lorsque nous pourrons fièrement annoncer qu'au XVIe siècle Paris ne possédait par exemple que 5 ponts. Effet bouches bées garanti !

Il me semble inutile d'entrer dans les détails de ce roman assez compact par la foultitude de faits qu'il sème çà et là, c'est une vraie saga familiale, nationale, internationale et politique en une seule famille. Les absents : la famille de GUISE à peu près invisible sur ces quelques 800 pages. En revanche, même si l'on croise somme toute assez peu la reine mère, j'ai nommé Catherine de MÉDICIS, son ombre est plus que présente durant la totalité du récit. Mieux, ce livre est un véritable document à charge contre Catherine, selon DUMAS coupable ou commissionnaire de tous les crimes, tromperies et autres conspirations autour du roi et de sa cour. Elle est vue non pas comme un humain mais plus comme l'incarnation du diable. Mais des conspirations, le bouquin en est farci ! Il est à la fois roman d'aventures, d'action, de suspense (que DUMAS sait parfaitement distiller en fins de chapitres), de guerre, mais c'est aussi un documentaire historique, un roman de cape et d'épée, un récit d'amour mais surtout de haine et trahisons, un cours documenté sur la rivalité religieuse (et politique de ce seul fait) d'alors, même s'il peut également se faire picaresque, DUMAS n'étant pas avare en bons mots et autres drôleries survenant à des moments propices.

Écrit en 1845, « La reine Margot » reste un grand classique de la littérature française du XIXe siècle. Certes, le contenu, l'écriture, les ambiances ont bien changé depuis ce siècle-là, certaines tournures, phrases, reparties, atmosphères peuvent paraître joyeusement désuètes. N'empêche que c'est un livre très facile d'accès, même si historiquement il reste assez pointu et documenté sur certains points. DUMAS est un excellent conteur et, même si à « La reine Margot », on peut préférer « Le comte de Monte Cristo », ce voyage dans le temps au cœur du pouvoir français est assez revigorant et plein d’enseignements, la plume de DUMAS permettant par exemple de faire passer la pilule de la Saint Barthélemy par des dialogues et situations burlesques et accrocheurs.

Ce livre est définitivement une lecture estivale pour se vider la tête tout en révisant plus ou moins authentiquement l’Histoire de France. La saga se clôt par la mort mystérieuse par empoisonnement de Charles IX et l'accession au trône de Henri III, jusqu'alors roi de Pologne et accessoirement enfant préféré de Catherine de MÉDICIS. DUMAS contera cette suite dans « La dame de Monsoreau » drame se déroulant en 1578, autre pavé concocté par l'auteur peu après l'achèvement de « La reine Margot ». Il poussera le vice jusqu'à écrire « Les quarante-cinq », dernier volet de cette trilogie, couvrant pour sa part les années 1585 et 1586.

DUMAS est l'un de ces auteurs qui a écrit sans cesse pendant 45 ans. Plus de 200 volumes ont été édités, une quantité invraisemblable, inquantifiable de feuilles noircies à l'encre, donc le but du jeu n'est pas ici de relire l'intégrale de DUMAS (il nous faudrait plusieurs vies), mais seulement de se rappeler qu'il y a comme lui des auteurs classiques dont il fait bon se souvenir. Certes, le style DUMAS a vieilli, mais c'est pourtant toujours un vrai bol d'air de se replonger dans les aventures qu'il nous conte avec talent et passion. Et même si à certains moments il semble remplir des pages pour toucher ses émoluments, le fond de l'intrigue est souvent fort plaisant et quelques pistes proposées ne sont pas dénuées d'intérêt. Il fait partie de ces géants français de la plume du XIXe siècle, pas loin des intouchables, des indéboulonnables, qui selon moi lorgneraient du côté de MAUPASSANT, ZOLA ou HUGO. Vous avez bien sûr le droit de ne pas être d'accord, j'en connais qui préféreront insérer le nom de FLAUBERT, d'autres dont le cœur battra pour BALZAC, George SAND, CHATEAUBRIAND ou HUYSMANS, si ce n'est pour STENDHAL, Paul FÉVAL, Octave MIRBEAU, Jules VERNE ou Eugène SUE. Quoi qu'il en soit, DUMAS me paraît se placer parmi le peloton de tête, et je vous assure qu'un roman « classique » (non, ce mot ne signifie pas grand-chose, j'en suis bien conscient) aère mieux l'esprit que n'importe quelle drogue prescrite par votre toubib. Santé !

(Warren Bismuth)

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