Roman ? Non messire, immense fresque de la
France durant une période très précise et brève de sa longue Histoire,
exactement à partir du mariage de la fameuse « Reine Margot » avec le
roi de Navarre le 18 août 1572, jusqu'au décès du roi de France Charles IX le
30 mai 1574. Entre ces deux années auront eu lieu des tas d'anecdotes et faits
divers, à commencer par le massacre de la Saint Barthélemy 6 jours seulement
après le mariage de la reine Margot, massacre ravivant à gros bouillons (de
sang) les plaies déjà béantes entre les deux France : la catholique et la
huguenote.
Si DUMAS reprend scrupuleusement la trame des événements
réels entre ces deux dates précitées marquant l'Histoire de France, il se
gausse à rajouter du piment et du suspense avec des faits inventés, notamment
pour les peines de cœur et trahisons amoureuses. L'action se déroule quasi
uniquement dans le palais du Louvre (alors résidence de la royauté française),
même si DUMAS décrit avec précision des quartiers entiers du Paris d'alors,
enrichissant notre savoir, et nous permettant de « crâner »
ultérieurement en société, lorsque nous pourrons fièrement annoncer qu'au XVIe
siècle Paris ne possédait par exemple que 5 ponts. Effet bouches bées
garanti !
Il me semble inutile d'entrer dans les détails de
ce roman assez compact par la foultitude de faits qu'il sème çà et là, c'est
une vraie saga familiale, nationale, internationale et politique en une seule
famille. Les absents : la famille de GUISE à peu près invisible sur ces
quelques 800 pages. En revanche, même si l'on croise somme toute assez peu la
reine mère, j'ai nommé Catherine de MÉDICIS, son ombre est plus que présente
durant la totalité du récit. Mieux, ce livre est un véritable document à charge
contre Catherine, selon DUMAS coupable ou commissionnaire de tous les crimes,
tromperies et autres conspirations autour du roi et de sa cour. Elle est vue
non pas comme un humain mais plus comme l'incarnation du diable. Mais des
conspirations, le bouquin en est farci ! Il est à la fois roman
d'aventures, d'action, de suspense (que DUMAS sait parfaitement distiller en
fins de chapitres), de guerre, mais c'est aussi un documentaire historique, un
roman de cape et d'épée, un récit d'amour mais surtout de haine et trahisons,
un cours documenté sur la rivalité religieuse (et politique de ce seul fait)
d'alors, même s'il peut également se faire picaresque, DUMAS n'étant pas avare
en bons mots et autres drôleries survenant à des moments propices.
Écrit en 1845, « La reine Margot » reste
un grand classique de la littérature française du XIXe siècle. Certes, le
contenu, l'écriture, les ambiances ont bien changé depuis ce siècle-là,
certaines tournures, phrases, reparties, atmosphères peuvent paraître
joyeusement désuètes. N'empêche que c'est un livre très facile d'accès, même si
historiquement il reste assez pointu et documenté sur certains points. DUMAS
est un excellent conteur et, même si à « La reine Margot », on peut
préférer « Le comte de Monte Cristo », ce voyage dans le temps au
cœur du pouvoir français est assez revigorant et plein d’enseignements, la
plume de DUMAS permettant par exemple de faire passer la pilule de la Saint
Barthélemy par des dialogues et situations burlesques et accrocheurs.
Ce livre est définitivement une lecture estivale
pour se vider la tête tout en révisant plus ou moins authentiquement l’Histoire
de France. La saga se clôt par la mort mystérieuse par empoisonnement de
Charles IX et l'accession au trône de Henri III, jusqu'alors roi de Pologne et
accessoirement enfant préféré de Catherine de MÉDICIS. DUMAS contera cette
suite dans « La dame de Monsoreau » drame se déroulant en 1578, autre
pavé concocté par l'auteur peu après l'achèvement de « La reine
Margot ». Il poussera le vice jusqu'à écrire « Les
quarante-cinq », dernier volet de cette trilogie, couvrant pour sa part
les années 1585 et 1586.
DUMAS est l'un de ces auteurs qui a écrit sans
cesse pendant 45 ans. Plus de 200 volumes ont été édités, une quantité
invraisemblable, inquantifiable de feuilles noircies à l'encre, donc le but du
jeu n'est pas ici de relire l'intégrale de DUMAS (il nous faudrait plusieurs
vies), mais seulement de se rappeler qu'il y a comme lui des auteurs classiques
dont il fait bon se souvenir. Certes, le style DUMAS a vieilli, mais c'est
pourtant toujours un vrai bol d'air de se replonger dans les aventures qu'il
nous conte avec talent et passion. Et même si à certains moments il semble remplir
des pages pour toucher ses émoluments, le fond de l'intrigue est souvent fort
plaisant et quelques pistes proposées ne sont pas dénuées d'intérêt. Il fait
partie de ces géants français de la plume du XIXe siècle, pas loin des
intouchables, des indéboulonnables, qui selon moi lorgneraient du côté de
MAUPASSANT, ZOLA ou HUGO. Vous avez bien sûr le droit de ne pas être d'accord,
j'en connais qui préféreront insérer le nom de FLAUBERT, d'autres dont le cœur
battra pour BALZAC, George SAND, CHATEAUBRIAND ou HUYSMANS, si ce n'est pour
STENDHAL, Paul FÉVAL, Octave MIRBEAU, Jules VERNE ou Eugène SUE. Quoi qu'il en
soit, DUMAS me paraît se placer parmi le peloton de tête, et je vous assure
qu'un roman « classique » (non, ce mot ne signifie pas grand-chose,
j'en suis bien conscient) aère mieux l'esprit que n'importe quelle drogue
prescrite par votre toubib. Santé !
(Warren Bismuth)
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