B-TRAVEN a eu une vie bien remplie et
totalement déconcertante. À l’écart des médias, changeant régulièrement de
pseudonyme, cet allemand d’origine ira se réfugier clandestinement et très tôt
dans la région du Chiapas au Mexique. Sa vie est un roman à elle seule (et il
reste de nombreuses zones d’ombre car B-TRAVEN est l’un des écrivains les
plus énigmatiques, les plus mystérieux que la terre ait enfanté) bien que des
romans, il en écrira quelques uns. D’ailleurs, il faut bien l’admettre, derrière
l’homme engagé, libre, fuyant, recherchant l’anonymat voire la clandestinité,
le calme, vivre son anarchisme comme il l’entend, il y a un écrivain moyen.
B-TRAVEN ne possède pas une belle
écriture, ce n’est pas non plus un conteur hors pair, ses romans souffrent de
longueurs, de lourdeurs, de phrases boiteuses, d’hésitations. Il peut s’avérer ardu
de lire un roman de B-TRAVEN tellement le style est tout sauf limpide,
l’exception venant peut-être de ce « Trésor de la Sierra Madre »
(adapté peu après en film), pamphlet contre le matérialisme et le profit.
Souvent B-TRAVEN commence bien ses romans puis se perd en détails, piétine dans
la jungle aux côtés de ses personnages, a du mal à développer ses idées
pourtant précieuses.
Aujourd’hui il semble y avoir un regain
d’intérêts pour cet auteur. En 2007 déjà était parue cette BD de GOLO « B-Traven :
portrait d’un anonyme célèbre ». En tout début d’année 2018 sont parus la
pièce de théâtre « B-Traven » de Frédéric SONNTAG (Editions
Théâtrales) et cette biographie rééditée de Rolf RECKNAGEL « B-Traven romancier et
révolutionnaire » chez Libertalia. À propos de ces éditions, si elles
préparent un petit volume à paraître qui s’intitulera « Macario »,
elles ont déjà fait paraître un autre petit bouquin début 2018 (décidément), et
c’est précisément l’objet de cette chronique (nous y voilà).
« Le gros capitaliste », tout
petit recueil de moins de 40 pages, se divise en quatre parties. La nouvelle
« Le gros capitaliste » se lit comme un conte ou une fable et met en
scène un artisan mexicain confronté à une demande de gros contrat sur les
paniers qu’il fabrique, franche réussite anti-libérale, bien vue !
« Administration indienne et démocratie directe », là aussi sous
forme de conte, évoque le comportement à tenir pour un homme du peuple élu dans
une démocratie directe par des concitoyens qu’il ne devra pas mépriser tout en
se rappelant qu’il peut être révoqué à tout moment. Puis vient dans un style
journalistique un court texte dont le titre résume parfaitement le
contenu : « L’art des indiens ». La « lettre à Solidaridad
Internacional Antifascista » est la réponse que B-TRAVEN adressa aux
combattants républicains espagnols après qu’ils lui aient demandé de venir se
frotter au fascisme franquiste à leurs côtés en 1938, sa réponse est plutôt
originale et ne manque pas de sel. S’ensuivent quelques citations et une
postface succincte en guise de biographie expresse.
Ce recueil est franchement excellent,
varié, permettant de découvrir diverses facettes de l’auteur, son désir de
liberté, de simplicité, loin des foules et des lieux où s’écrit l’Histoire.
B-TRAVEN est resté sa vie en marge, acquérant une liberté à peu près totale. Apatride
revendiqué, avide de contrôler son destin, fier de n’avoir pas un sou de côté
malgré le succès de ses livres. Des livres dont, comme je l’ai plus ou moins
écrit plus haut, il n’est pas nécessaire d’avoir tout lu, mais si vous voulez
vous faire une idée pas trop déformée de ce que fut B-TRAVEN (mort en 1969),
son parcours, ses convictions, ce petit recueil me semble idéal et vous coûtera
une bouchée de pain, alors ce serait dommage de passer à côté. C’est sorti aux
Éditions Libertalia dont le catalogue est franchement alléchant.
(Warren Bismuth)
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