mardi 2 juillet 2019

Jacques JOSSE & Jean-Marc SCANREIGH « Au bout de la route »


Ce curieux petit livre de seulement 34 pages sorti en 2015 chez Le Réalgar prend comme personnage central la mort. Oh mais pas n’importe laquelle ! La mort en rapport avec les véhicules roulants, les automobiles, camions, bicyclettes, bus, la mort comme métronome inéluctable, au bout de la route.

Énonciations de célébrités qui ont rendez-vous avec la faucheuse par le biais de machines roulantes : Isadora DUNCAN, Roland BARTHES, Pierre CURIE, Hugo KOBLET, James DEAN, Jayne MANSFIELD, Hank WILLIAMS, Jackson POLLOCK, Fabio CASARTELLI, Jean ROUCH, Albert CAMUS, Tom SIMPSON et tant d’autres dont certains nous sont inconnus.

Les inconnus parlons-en ! Les anonymes sont aussi fauchés, dans des véhicules ou par des véhicules, par l’impitoyable refroidisseuse, en Bretagne comme ailleurs, en ce XXe siècle dément durant lequel l’ogre de métal a fait retourner en poussière tant d’habitants de la terre, une invention créant paradoxalement la liberté et le néant. Tant de vies dévastées par des engins montés sur roues de divers diamètres.

Les personnes commémorées dans ce récit n’avaient de prime abord aucun lien intime, ne se connaissaient pas. Pourtant c’est bien la même tragédie qui les a poussées dans le même dernier trou, en tout cas il s’agit de la même arme du crime. Un exemple parmi tant d’autres : « [la mort] peut ainsi survoler la promenade des anglais à Nice en un clin d’oeil et éteindre le soleil puis le draper de noir en pensant à l’ultime salto arrière effectué ici le 14 septembre 1927 par Isadora Duncan, prise à la gorge par son foulard dont l’une des extrémités venait de s’enrouler autour du moyeu de la belle décapotable, une Amilcar GS 1924 ».

Écriture toujours au sommet de son art, elle est ici illustrée par Jean-Marc SCANREIGH, 10 dessins nerveux, d’influence abstraite, noir et ocre, ils parlent aussi de la mort, de ses gros yeux, de ses traits agressifs, obtus. Une mort effrayante, dont personne ne reviendra indemne.

Un bouquin d’hommages, fait de traits rapides et fulgurants, comme pour exorciser l’inexorable arrivée de Madame la Foudroyeuse. Le plaisir est immense même si de courte durée. JOSSE fait partie de ces artisans de la plume qui donnent un sens à la vie et fait prendre conscience de bien en profiter avant l’inexorable.


(Warren Bismuth)

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