Ce curieux petit livre de seulement 34
pages sorti en 2015 chez Le Réalgar prend comme personnage central la mort. Oh
mais pas n’importe laquelle ! La mort en rapport avec les véhicules
roulants, les automobiles, camions, bicyclettes, bus, la mort comme métronome
inéluctable, au bout de la route.
Énonciations de célébrités qui ont
rendez-vous avec la faucheuse par le biais de machines roulantes : Isadora
DUNCAN, Roland BARTHES, Pierre CURIE, Hugo KOBLET, James DEAN, Jayne MANSFIELD,
Hank WILLIAMS, Jackson POLLOCK, Fabio CASARTELLI, Jean ROUCH, Albert CAMUS, Tom
SIMPSON et tant d’autres dont certains nous sont inconnus.
Les inconnus parlons-en ! Les
anonymes sont aussi fauchés, dans des véhicules ou par des véhicules, par
l’impitoyable refroidisseuse, en Bretagne comme ailleurs, en ce XXe siècle
dément durant lequel l’ogre de métal a fait retourner en poussière tant
d’habitants de la terre, une invention créant paradoxalement la liberté et le
néant. Tant de vies dévastées par des engins montés sur roues de divers
diamètres.
Les personnes commémorées dans ce récit
n’avaient de prime abord aucun lien intime, ne se connaissaient pas. Pourtant
c’est bien la même tragédie qui les a poussées dans le même dernier trou, en
tout cas il s’agit de la même arme du crime. Un exemple parmi tant
d’autres : « [la mort] peut
ainsi survoler la promenade des anglais à Nice en un clin d’oeil et éteindre le
soleil puis le draper de noir en pensant à l’ultime salto arrière effectué ici
le 14 septembre 1927 par Isadora Duncan, prise à la gorge par son foulard dont
l’une des extrémités venait de s’enrouler autour du moyeu de la belle
décapotable, une Amilcar GS 1924 ».
Écriture toujours au sommet de son art,
elle est ici illustrée par Jean-Marc SCANREIGH, 10 dessins nerveux, d’influence
abstraite, noir et ocre, ils parlent aussi de la mort, de ses gros yeux, de ses
traits agressifs, obtus. Une mort effrayante, dont personne ne reviendra
indemne.
Un bouquin d’hommages, fait de traits
rapides et fulgurants, comme pour exorciser l’inexorable arrivée de Madame la Foudroyeuse.
Le plaisir est immense même si de courte durée. JOSSE fait partie de ces
artisans de la plume qui donnent un sens à la vie et fait prendre conscience de
bien en profiter avant l’inexorable.
(Warren
Bismuth)
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