Léonard de VINCI et Nicolas MACHIAVEL se
sont rencontrés à plusieurs reprises en Italie au début du XVIe siècle, pas
précisément pour y faire du tourisme mais bien pour travailler ensemble.
Seulement, il n’existe pas de traces tangibles sur ces rencontres. Aussi
l’historien et écrivain Patrick BOUCHERON se propose de servir de guide. De
faits avérés en simples suppositions, par ce voyage dans le temps il imagine
ces rendez-vous.
Le duo débute plutôt en forme de trio,
avec César BORGIA, dit Le Valentinois (on se croirait propulsés dans un
AUDIARD), dont la figure est par ailleurs très présente dans le roman « Le
prince » de MACHIAVEL (BOUCHERON y reviendra). Le fameux prince, c’est
lui. Il est aussi le fils du futur pape Alexandre VI et duc de Romagne à
l’époque qui nous intéresse présentement. Mécène de Léonard de VINCI, il a pour
secrétaire un certain MACHIAVEL.
Alors que VINCI est déjà reconnu pour ses
œuvres et ses idées avant-gardistes, BORGIA combat ses adversaires de manière
violente et implacable. Mais ce qui est mis en exergue dans ce récit, ce sont
bien les années 1502 à 1504, où les trois hommes ont semble-t-il tramé des
plans ensemble, tout d’abord au palais ducal d’Urbino où ils ont fondé des
projets, dont celui de dévier le fleuve Arno pour assécher la ville de Pise et
provoquer l’embourbement des soldats un peu plus loin dans la plaine.
BORGIA va rapidement quitter la piste, en
1507, BOUCHERON le range au placard pour ne plus s’intéresser qu’à MACHIAVEL et
de VINCI, surtout à ce dernier pour tout dire. De la commande d’une immense
fresque « La bataille d’Anghiari » pour orner la salle du Grand
Conseil de Florence, BOUCHERON nous dit tout, y compris qu’elle ne fut jamais
terminée, revenant sur la compétition de deux géants peignant dos à dos dans
cette salle, l’autre étant Michel-Ange appelé pour un projet parallèle synonyme
d’esprit de compétition.
Le livre vient surtout alimenter une
interrogation historique : VINCI et MACHIAVEL ont-ils travaillé de concert ?
Ont-ils comploté ? Ont-ils côte à côte décidé de l’avenir de l’Arno,
MACHIAVEL pour l’idée et VINCI pour les plans ? Quoi qu’il en soit,
BOUCHERON semble avoir une réelle tendresse pour VINCI, c’est lui qu’il suit
lorsqu’il est seul, c’est avec lui qu’il semble marcher, non sans efforts
compte tenu de l’esprit de « bougeotte » du Léonard, jamais les deux
pieds dans le même sabot. Pour les liens directs entre Léonard et Nicolas,
l’auteur rappelle qu’il opte pour le terme de contemporanéité : « Contemporanéité est un mot qui boite et qui
grince, mais c’est le bon mot. Il exprime l’une des ambitions de ce petit
livre : comprendre ce qu’être contemporain veut dire ».
Un petit livre pourtant très érudit. Je
n’ai pas la prétention d’avoir tout compris de cette période faste de la
Renaissance un peu mystérieuse pour moi, presque absconse même. Si je me suis parfois
perdu dans les dédales de la lecture, c’est bien par le talent d’historien de
BOUCHERON qui sait se faire précis, revenant sur des détails apparemment sans
intérêt. En tout cas, il mène son lectorat de main de maître dans les sous-sols
de Florence et d’ailleurs, dans ce XVIe siècle tumultueux. M’est avis que des
personnes plus connaisseuses de cette période comprendront bien mieux que moi
et se régaleront (d’ailleurs, et malgré ma relative ignorance, je me suis
moi-même fort régalé). Car si ce bouquin est présenté comme un roman, c’est
pour mieux faire passer la difficulté de condenser en 200 pages l’Histoire italienne
de la fin du XVe siècle aux premières décennies du XVIe. Sorti originellement
chez Verdier en 2008, il fut publié en poche en 2017 par le même éditeur pour
un voyage à peu de frais au cœur de la Renaissance italienne. Il ouvre une voie
très instructive pour découvrir d'un peu plus près cette période.
J’ai choisi de présenter ce roman
aujourd’hui car il s’inscrit dans une dynamique d’actualité (oui je parle un
langage moderne. Et chébran, disait François MITTERRAND en son temps) : en
effet, en cette année 2019 nous commémorons à la fois les 500 ans de la mort de
Léonard de VINCI et les 40 ans des éditions VERDIER, la roteuse va obtenir une
place de choix, le gueule de bois n’est pas loin.
(Warren
Bismuth)
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