Tout commence vers 1520 lorsqu’au Mexique,
Xipaguazin, fille du dernier empereur aztèque Moctezuma II, est enlevée par le
capitaine Don Juan de Grau, baron espagnol de Toloríu. 500 ans plus tard, au
XXe siècle, tout début des années 60, Federico de Grau Moctezuma se proclame de
son Espagne natale le digne descendant de la princesse Xipaguazin, qui soit dit
en passant était folle à lier. Une descendance qui ne tombe pas si mal pour le
dictateur espagnol FRANCO. Désireux de redorer son blason auprès d’un Mexique
qui le déteste et a stoppé toutes relations diplomatiques avec l’Espagne en
1939, il va tenter d’utiliser « Son Altesse Impériale » Federico de
Grau pour qu’il lui serve de tremplin. Pour de Grau, c’est aussi une chance
inespérée d’affirmer sa descendance, bientôt contestée. Le dictateur et le
prince, alors âgé de 23 ans, vont se rencontrer à plusieurs reprises afin
d’ouvrir des négociations avec le Mexique. Le peintre Salvador DALI va à cette
occasion jouer une petite partition, tuée dans l’œuf.
Le prince va profiter de son titre,
festoyer à tout crin, se saouler sans vergogne, menant grande vie. Exubérant
(ses tenues scintillantes ne passent pas inaperçues), provocateur, ivrogne, ce
prince semble aussi être un mystificateur, son héritage n’est peut-être pas
aussi limpide que ce que de Grau veut bien en laisser voir. C’est ce qu’apprend
le narrateur, journaliste (Jordi SOLER lui-même) en menant l’enquête, au départ
afin de découvrir un possible trésor aztèque enfoui quelque part dans les
Pyrénées, ensuite en décidant d’entreprendre une biographie du prince.
Un prince qui va vivre une descente aux
enfers, une déchéance proche de l’apocalypse, qui va se saouler à ne plus en
pouvoir, après avoir profité allègrement de la rente que lui aurait (vous
noterez le conditionnel, voir plus loin) versé le Mexique en tant qu’unique
héritier de la princesse Xipaguazin et descendant du dernier empereur aztèque.
Cette biographie est-elle véritable ?
Il est permis d’en douter. Elle semble plutôt jaillie du cerveau en ébullition
de l’auteur. Certes, le sinistre FRANCO a bel et bien – et malheureusement -
existé, ses relations avec le Mexique furent impossibles, Moctezuma a également
existé. Mais qu’en est-il de ce prince expansif ? La question reste posée,
la fiction semble toutefois l’emporter. Quoi qu’il en soit, ce récit, documenté
ou joliment inventé, est plein de rebondissements, de personnages hauts en
couleur, de fêtes à tout casser (orgies psychédéliques dans les années 60). Le
prince a également appris quelques tirades d’un film mexicain afin de les
ressortir à ses convives pour faire plus figure locale.
Le narrateur dit avoir rencontré de Grau
avant sa mort, survenue au tout début du XXIe siècle. Dans ce roman picaresque
(plus qu’historique dirons-nous), l’action se déplace du Mexique en Espagne en
passant par l’Angleterre, le narrateur, comme de Grau, ayant la bougeotte. Les
phrases sont longues, riches et complexes, l’intrigue dense, il n’est pas
impossible de se perdre entre deux paragraphes. L’humour, très présent, est
particulièrement caustique. Géographiquement mais aussi dans l’espace temps, ce
roman donne le tournis. De flashbacks médiévaux aux situations du presque
présent en passant par les années 60 et la dictature franquiste, la lecture
laisse peu de répit.
Si ce qui est écrit dans ce livre
s’avérait réel, nous n’aurions pas affaire à un roman, mais bien à un
documentaire, un essai biographique et historique pointu. Oui mais… Il est
impossible de séparer le vrai du faux, le narrateur semblant se mettre dans la
peau de « son » prince afin de mystifier à son tour le lectorat qui,
en fin de compte, ne sait pas sur quel pied danser, manquant de repères. Et si
tout était inventé ? Je vous laisse trancher la question et découvrir ce
bouquin pour lequel il vous faudra peut-être mettre votre rationalisme de côté
afin de le lire comme une vraie épopée fantasmée, sortie de l’imagination fertile
d’un auteur qui a, possiblement à son tour, abusé du vin en brick et du whisky
dont raffolait le prince. Livre inclassable paru en 2019 chez La Contre Allée,
dans la collection la Sentinelle, scrupuleusement traduit par Jean-Marie
SAINT-LU.
(Warren
Bismuth)
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