Contrairement
à ce que l’on pourrait croire, cet énorme pavé – 1800 pages tout de même – ne
présente pas l’intégralité des contes et nouvelles de l’auteur. J’en ai recensé
24 absents de cette anthologie.
MAUPASSANT
est un vieux camarade de lecture, jamais présenté encore en ces pages, le vide
est aujourd’hui comblé. 281 contes ou nouvelles écrits entre 1875 et 1891, avec
cependant un pic pour les années 1882, 1883 et 1884 (plus de 180 pour ces
dates). L’objet est volumineux, lourd. Aussi, il vous faudra vous prémunir
contre les tendinites. Baume du tigre ? Ne me remerciez pas.
Les
thèmes de l’auteur sont ici mis en valeur par de courtes nouvelles, mais d’autres,
plus abouties, plus fouillées, peuvent se lire comme de courts romans. L’amour,
souvent malheureux voire néfaste, la vie de la seconde partie du XIXe siècle en
France, explorée ici avec minutie et sens du détail. Certains textes peuvent se
rapprocher du polar, d’autres plus légers vont dans le sens de récits de
terroir, mais dans l’ensemble, c’est une psychologie du peuple français de
l’époque qui est couchée sur papier, une radiographie d’une nation. MAUPASSANT (1850-1893)
a touché à tous les sujets, certains tabous, y compris celui du lesbianisme ou
de la bisexualité. Il a fricoté avec la littérature fantastique, certes à
petite dose. Ces récits se déroulent majoritairement en Normandie, mais pas
seulement, nombreux sont les textes prenant place à Paris, d’autres en
Province, même au-delà de la Méditerranée.
Pas de
lassitude grâce à ces environnements variés, peuplés de personnages fouillés.
On pourrait objecter les portraits machistes voire misogynes de la femme, et
l’on serait dans le vrai. Cependant, d’autres sont très féministes. MAUPASSANT
aimait les femmes, trop peut-être, et n’a pas toujours, loin s’en faut, fait
preuve d’un respect inconditionnel. Une fois ceci dit, ses personnages
(imaginez le nombre qu’il lui en a fallu créer en 300 contes et
nouvelles !) sont crédibles, peuvent être attachants. MAUPASSANT sait
parler de la guerre, des petites gens, de l’attrait néfaste de l’argent, du
patriotisme à œillères, de la politique. Il développe des convictions pouvant
paraître modernes au XIXe siècle, laisse défiler ses portraits, tout en
n’oubliant pas de montrer la cruauté humaine. Il sait être humaniste et plein
de compassion, il sait aussi attaquer les puissants, sans artifices, parfois
avec une verve anarchisante, et même défendre les animaux.
Ce
recueil est une manière très originale d’en apprendre plus sur les us et
coutumes français du XIXe siècle, sur la société. Oh, MAUPASSANT n’était pas de
ces auteurs soignant particulièrement l’écriture ni la langue, mais il était un
conteur hors pair malgré ce que l’on pourrait décrire comme une absence de style.
Se plonger dans son œuvre (je crois par ailleurs préférer ses nouvelles à ses
romans, elles me paraissent peut-être moins inégales), c’est remonter le temps
agréablement. Bref, je tartine ces lignes alors que, bien sûr, vous avez déjà
lu MAUPASSANT, donc le seul conseil que je peux donner aujourd’hui, c’est de
vous y replonger, avec allégresse, il en ressortira toujours quelque chose.
Notons que le présent recueil propose une biographie de l’auteur, certes incomplète, car beaucoup d’étapes de la vie de MAUPASSANT restent mystérieuses de nos jours. Cette biographie permet néanmoins d’entrer plus intimement dans le cadre privé, elle aide peut-être aussi à comprendre certains de ces contes et nouvelles. Peut-être une lecture estivale à redécouvrir.
(Warren Bismuth)