samedi 2 mai 2020

Anton TCHEKHOV « Théâtre II »


Suite de la présentation de l’intégrale du théâtre de TCHEKHOV en trois vieux volumes poussiéreux dont le premier a déjà été proposé en ces pages.

La singularité de ce deuxième recueil tient dans la forme : six des huit pièces se jouent sur un seul acte, c’est-à-dire qu’elles sont courtes, ce qui les rend plus percutantes.

« Le chant du cygne » (1887), dialogue entre un vieil acteur de théâtre fatigué par la vie, et son souffleur. C’est aussi un hommage au théâtre de POUCHKINE et de SHAKESPEARE.

« L’ours » (1888) met en scène une veuve qui doit rembourser une dette effectuée jadis par son mari à un propriétaire foncier sans scrupules. Le vieux valet de la dame arbitre le cruel dialogue.

« La demande en mariage » (1888), un jeune homme vient demander à un père la main de sa fille. Or la conversation ne se déroule pas du tout du comme prévu et le ton monte rapidement. En cause : un vieux terrain dont chaque famille en revendique la propriété. Farce féroce menée à un rythme trépignant, hilarante, c’est vers elle que va ma préférence.

« Tragique malgré lui » (1890), monologue d’un homme dégoûté et éreinté par sa carrière professionnelle. Il connaît une obsession et une envie toute particulière : boire du sang.

« Tatiana Repina » (1889). Un homme épouse une veuve, abandonnant sa maîtresse Tatiana, qui se suicide avant les noces, ou comment virer en quelques pages du burlesque au tragique.

« Le jubilé » (1891). Un homme buveur et violent doit écrire un texte rapidement à son directeur qui lui reproche ses propres ennuis conjugaux. Une femme débarque de nulle part et demande de l’argent au directeur. Une pièce sur l’argent et la cupidité.

La pièce entamant le recueil est bien plus longue. « L’Esprit des Bois » (1889), considérée comme le brouillon de ce qui deviendra plus tard « Oncle Vania », est pourtant déjà une magnifique pièce fort aboutie avec comme thème principal (et pourtant peu mis en avant)… La déforestation ! Pensez donc, au XIXe siècle ! Pour le reste, du Tchekhov classique, avec la cupidité, l’ennui du genre humain et la cruauté.

La dernière pièce est aussi la plus connue : « la mouette » (1896), sorte de tragédie romantique dans laquelle un homme écrit une pièce pour la femme qu’il aime, mais elle s’enfuit avec un autre écrivain, déjà amant de la mère de l’amoureux évincé.

Dans ces pièces, plusieurs sujets reviennent : la cupidité, l’attirance pour l’argent, la tromperie, les couples qui volent en éclats, les amours cachées. Ce sont aussi des hommages directs ou indirects au théâtre. Contrairement au premier recueil, ici certaines pièces – pas toutes – se terminent bien. D’un abord classique, elles sont souvent cruelles voire cyniques. La vie d’une certaine aristocratie russe est dépeinte avec férocité. On peut sentir certains personnages résignés, abandonnés par eux-mêmes. Dans l’ensemble, ce recueil de 1965 est un moment très agréable à découvrir, d’autant que la plupart des pièces sont brèves et peuvent de fait être lues par des novices sans peur de se perdre ou de décrocher. Elles se lisent bien sûr à plusieurs niveaux, dont celui de l’approche en profondeur de la société russe de la fin du XIXe siècle.

(Warren Bismuth)


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