mardi 19 janvier 2021

Emmanuel CHAUSSADE « Elle, la mère »

 


Une autofiction ? Peut-être. Mais rien de moins sûr. En tout cas, un court récit en forme de roman d’une noirceur désespérée.

Une mère. LA mère plutôt. Racontée par son fils. La mère au parcours poisseux, poussiéreux. Tradition catholique, jeune fille violentée, abusée, par son futur beau-père, par d’autres, les mains baladeuses. La jeune fille devenue mère, vieille, que l’on finit par croire folle, et qui atterrit dans un cercueil au début du récit. Le fils n’est pas loin. Il vaut mieux, car c’est lui qui témoigne. De l’avant, du passé, de cette famille « à tuyau de poêle » comme on disait dans ma jeunesse.

L’écriture d’Emmanuel CHAUSSADE est faite de phrases brèves comme le roman, vives, alertes, percutantes. Sensorielles peut-être. Le récit est sec, sans filtre. Peut-être sans assez de filtres quand il est question d’inceste par exemple. Car ici rien n’est épargné, aucun détail. C’est là que l’auteur en fait peut-être trop. Il en dit trop en trop peu de pages, il raconte trop d’horreurs du quotidien dans une même famille, sans doute survenues sur des décennies, mais empilées ici comme s’il devait à tout prix s’en débarrasser au plus vite, vider son sac et lester le nôtre, ne pas se souvenir du bon, mais focaliser sur le mauvais, uniquement.

Roman Simenonien sur le fond, il se veut aussi celui de l’anonymat, et c’est peut-être là qu’il pêche : deux prénoms furtivement entrevus dans le récit. Pour le reste, « la mère », « le père », « le fils », « le frère ». On en vient à ne plus toujours savoir qui est qui, il est aisé de se perdre, la confusion peut surgir en un instant. La langue est bien en place, elle est même finement habillée. Mais dessous elle possède trop d’épines, d’aphtes, d’abcès.

Roman qui a peut-être voulu voir trop grand, en montrer trop dans trop peu d’espace. Vouloir entasser, ne conter que l’horreur, faire sentir les miasmes, la merde et le moisi donne parfois au lectorat un sentiment d’abandon. Récit venant tout juste de paraître chez Minuit, faites-en votre propre opinion, mais allez-y sur la pointe des pieds !

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

(Warren Bismuth)

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