dimanche 25 avril 2021

Challenge « Les classiques c’est fantastique » : mes classiques chéris

 


Un an que le challenge « Les classiques c’est fantastique » a vu le jour. Des Livres Rances a rejoint l’aventure mensuelle (tous les derniers lundis du mois) en janvier 2021. Ce challenge est piloté par les blogs « Au milieu des livres » et « Mes pages versicolores », et chaque mois une petite dizaine de blogs littéraires présentent un ou plusieurs livres selon un thème donné. Et force est de constater que l’on s’amuse beaucoup. Pour souffler la première bougie du challenge, le thème de ce mois est un exercice libre sur les classiques que l’on considère comme essentiels : nos classiques chéris.

Ayant peur de me noyer (et de vous ennuyer rapidement) dans trop de références, j’ai décidé pour ma part de ne présenter succinctement que des auteurs ou titres jusqu’en 1914 car je considère qu’au moins on est de plain-pied dans la littérature classique. Car la question souvent posée est la suivante : qu’est-ce qu’un livre classique ? Et les définitions changent selon l’interlocuteur, les spécialistes eux-mêmes ne s’accordant pas toujours sur les dates. J’ai établi un plan par périodes, de la plus ancienne à la plus récente (c’est-à-dire 1914, mais avec un petit bonus en fin de chronique) afin de retirer ma très subjective substantifique moelle des classiques à avoir lu. Pourquoi s’arrêter à 1914 ? C’est avec la première guerre mondiale que la planète a basculé dans le « nouveau » monde, ce jalon me semble donc adéquat. En avant pour une sélection chronologique !

Avant 1800

 


Connaissant peu la littérature d’avant le XIXe siècle, mon choix sera assez bref. Le premier roman « protomoderne » à mettre au crédit de la littérature mondiale pourrait bien avoir pour héros cet étrange hidalgo nommé « Don Quichotte de la Manche », à qui il survient bien des aventures avec son compagnon Sancho Panza dans l’Espagne moyenâgeuse. Certes, quelques longueurs existent dans la lecture, mais il semble en être souvent ainsi pour un roman, de surcroît picaresque, de plus de 1000 pages. En 1615, Miguel de CERVANTES vient peut-être bien d’inventer une nouvelle forme d’écriture, de narration.

Le sulfureux « La religieuse » est un roman dynamite de Denis DIDEROT écrit vers 1780 (mais publié à titre posthume qu’en 1796) et pourrait encore être écrit de nos jours, pas comme « Les liaisons dangereuses » de Pierre CHODERLOS de LACLOS, assez suranné mais pourtant fort provocateur par ses scènes machiavéliques qui ont fait scandale à l’époque, tout comme certains écrits du marquis Donatien de SADE. Chez ce dernier ma préférence ira vers le bref essai « Français, encore un effort si vous voulez être républicain », figurant au beau milieu du peut-être pas si indispensable « la philosophie dans le boudoir » de 1875, mais dans mes souvenirs rédigé bien plus tard, pamphlet au vitriol sur des sujets qui pourraient encore s’avérer d’actualité.

1794 voit la publication de « Les aventures de Caleb Williams » de l’anarchiste britannique William GODWIN, par ailleurs père de Mary SHELLEY, roman préfigurant le thriller social, mais aussi le roman humaniste et engagé contre l’injustice. À découvrir d’urgence en se replaçant dans le contexte de la fin du XVIIIe siècle, il peut être vu comme un véritable palier.

1800/1850

 


Période littéraire faste en innovations. Victor HUGO écrit « Le dernier jour d’un condamné » dès 1829, puis « Notre-dame de Paris » en 1831. C’est en 1840 que sort l’essai historique (qui aujourd’hui pourrait paraître étonnamment moderne puisqu’il y est question d’une maladie virale qui décime l’Italie) « La colonne infâme » d’Alessandro MANZONI, stupéfiant texte sur une manipulation de masse que je vous invite à lire. En 1846 paraît l’énorme pavé d’Alexandre DUMAS « Le comte de Monte-Cristo », marathon de lecture mais aussi chef d’œuvre de plus de 1500 pages.

La même année et de l’autre côté de la Manche, William THACKERAY frappe très fort avec les 1000 pages de l’abrasif et caustique « La foire aux vanités », humour à toute épreuve pour mieux dénoncer la société victorienne anglaise. Toujours en Angleterre, les sœurs BRONTË pourraient ici revêtir une place à part : trois frangines écrivant en une année trois chefs d’œuvre, une chacune, unique dans la littérature. Emily et son gothique et ultra sombre « Les hauts de Hurlevent » en 1847, Charlotte la même année avec le tout aussi gothique mais moins sombre « Jane Eyre ». L’année suivante c’est Anne qui marque à son tour les esprits avec « La locataire de Wildfell Hall » (les titres diffèrent selon les traductions), considéré comme le tout premier roman féministe. Trois bijoux engendrés par une même famille, le souffle me manque.

1851-1875

 


Restons en Angleterre avec Wilkie COLLINS, précurseur du polar social (après William GODWIN toutefois), dont une partie de son œuvre vaut le détour (pas toute bien sûr). Je me permets de vous recommander « Le secret » de 1856, « La dame en blanc » de 1860 et « Mari et femme » de 1870, un roman de poids de près de 1000 pages. Wilkie COLLINS dépeint avec humour les vicissitudes voire les contradictions de la société victorienne du XIXe siècle. Sa carrière se déroulera dans l’ombre de son ami et rival Charles DICKENS.

L’un des poids lourds de la littérature du début de la seconde partie du XIXe siècle est le russe Fédor DOSTOÏEVSKI. Il m’est bien difficile d’avancer des titres plus que d’autres, mais j’avoue que dans mes romans préférés de toute l’histoire de la littérature figurent pas moins de quatre romans de DOSTOÏEVSKI : « Humiliés et offensés » de 1861, « Crime et châtiment » de 1866, « Les démons » (connu aussi sous le titre « Les possédés ») de 1871. Le quatrième titre paraît en 1880, je le réserve pour le chapitre suivant. DOSTOÏEVSKI est le précurseur du roman psychologique et psychanalytique. Notons qu’en plus de tout cela, « Crime et châtiment » est également un polar voire « protothriller ». Peut-être le roman qui m’a le plus tenu en haleine, il reste mon favori de toute la littérature.

Toujours en Russie, et presque en même temps que le premier roman d’envergure de DOSTOÏEVSKI, « Pères et fils » d’Ivan TOURGUENIEV n’est pas à sous-estimer. Face à face musclé et âpre entre un père et son fils encarté dans les milieux nihilistes russes. La même année sort la fresque « Les misérables » de Victor HUGO, roman social que l’on ne présente plus. À l’instar du « Comte de Monte-Cristo », ce sont 1500 pages qui défilent au compteur.

1876-1900

 


Période foisonnante, et ce ne sont pas les 1000 pages de « Les frères Karamazov », le dernier roman de DOSTOÏEVSKI mais aussi en quelque sorte son testament littéraire en 1880, qui me contrediront. La même année, et encore en Russie, sort « Les Golovlev » de Mikhaïl SALTYKOV-CHTCHEDRINE, lumineuse étude de moeurs pour un immense roman russe.

 

Cette période est marquée par les nombreux textes de l’écossais Robert-Louis STEVENSON, où le superbe côtoie le dispensable. Pour les titres sur lesquels se pencher, le recueil de nouvelles « Les nouvelles mille et une nuits » de 1882, « L’étrange cas du docteur Jekyll et Mister Hyde » de 1886, ou encore « Le maître de Ballantrae » de 1889. STEVENSON a énormément publié dans quasiment tous les styles possibles, parfois (et à mon grand regret) à quatre mains. Il reste une grande référence littéraire même si certains de ses textes peuvent aujourd’hui paraître datés (comme d’ailleurs une partie de ceux que je vous présente ici).

Retour en Russie avec Anton TCHEKHOV, auteur d’une foultitude de nouvelles, ce ne sont cependant pas vers celles-ci que va ma préférence. Je suggèrerai plus volontiers son théâtre malgré quelques titres plus légers, et surtout ce livre considéré parfois (pas toujours facile de référencer certains formats) comme son unique roman : le somptueux « Drame de chasse » de 1885, texte mordant sur les moeurs russes du XIXe siècle, mais aussi sorte de polar. Ne vous jetez pas sur la traduction de 1930 qui est partielle, mais plutôt sur celle de 2001, complète et traduite par André MARKOWICZ. La Russie encore et toujours avec un autre poids lourd de la littérature mondiale, Léon TOLSTOÏ. Il serait trop simple de vous renvoyer à la lecture des pourtant excellents « Guerre et paix » et « Anna Karénine » respectivement de 1869 et 1877. J’opterai de manière peut-être plus téméraire vers la courte nouvelle très marquante « Ce qu’il faut de terre à l’homme » de 1886 ou encore vers « la sonate à Kreutzer », longue nouvelle ou court roman de 1889 inspiré par un « rival » de TOLSTOÏ.

En 1890 paraît l’étonnant roman « Le portrait de Dorian Gray » du britannique Oscar WILDE, ou comment jouer avec le fantastique pour dénoncer le réel. Toujours en Angleterre, Thomas HARDY écrit presque coup sur coup « Tess D’Urberville » et « Jude l’obscur » en 1891 et 1894, deux peintures sombres de la société britannique de fin de siècle.

La France n’est pas en reste. Entre 1870 et 1893, Emile ZOLA fait paraître la longue saga en vingt volumes des Rougon-Macquart, qui reste aujourd’hui une œuvre de référence. J’avais pour ma part décidé, il y a bien longtemps, de la suivre dans l’ordre (ce qui n’est pas une obligation, mais tout de même), un volume par mois durant vingt mois. Défi relevé, l’une de mes plus fortes impressions de lecture sur le long terme. Terminons cette partie avec Guy de MAUPASSANT. Si ses romans sont aujourd’hui les plus connus de son œuvre, je préfèrerai vous guider vers les contes et nouvelles, variés en thèmes et émotions. Comme plus de trois cents sont parus, vous avez de quoi faire. L’ambivalent MAUPASSANT peut aujourd’hui encore paraître moderne sur certains thèmes.

1900-1914

 


Nouveau siècle mais pas nouveau style. La Russie est par ailleurs une nouvelle fois à l’honneur avec le trop oublié Leonid ANDREIEV, pourtant très connu de son temps. Pour cet auteur il est très difficile de faire un choix, aussi je vous renverrai tout comme MAUPASSANT vers ses nouvelles, rééditées intégralement en quatre volumes il y a une vingtaine d’années, elles sont au nombre d’une centaine et dépeignent méticuleusement la société russe sous le tsarisme. Elles furent écrites de la fin du XIXe siècle à 1919, date de la disparition de l’auteur. ANDREIEV pourrait être le chaînon manquant entre DOSTOÏEVSKI et TCHEKHOV. Il est à noter que s’il a également écrit du théâtre, il n’a jamais passé le cap du roman, bien que certaines de ses nouvelles soient longues.

Jack LONDON est l’une de mes références majeures, mais aussi l’un des deux seuls Etats-Uniens à paraître dans cette liste. Si j’ai dévoré une bonne partie de son œuvre, mes coups de cœur se situent plus volontiers vers l’essai « Le peuple de l’abîme » de 1903, où LONDON relate son expérience dans l’East End de Londres au milieu des miséreux, « Le talon de fer » de 1908, sorte de roman visionnaire sur la société totalitaire, « Martin Eden » de 1909 ; autobiographie romancée d’un anti-héros, « Le cabaret de la dernière chance », texte désespéré de 1913 sur les relations sulfureuses entre LONDON et l’alcool, et « Le vagabond des étoiles » de 1915 (un an avant le décès de Jack LONDON), roman ambitieux contre la peine de mort, découpé en séquences qui pourraient s’apparenter à des nouvelles, mais aussi foisonnant de faits historiques, de bribes d’autobiographie, etc., sans doute l’un des premiers romans à la structure complexe et indéterminée.

Le second romancier Etats-Unien à figurer ici est Upton SINCLAIR avec son déconcertant « La jungle » de 1905, roman prolétarien très dénonciateur, faisant encore aujourd’hui figure de référence absolue. En 1906, le jeune Robert MUSIL, natif d’Autriche-Hongrie, n’a que 26 ans lorsqu’il fait paraître le polémique « Les désarrois de l’élève Törless » dépeignant l’adolescence d’un homme entraîné dans le vice. En France, c’est Gaston LEROUX qui marque les esprits, du moins les miens, avec le premier volet des aventures de Rouletabille « Le mystère de la chambre jaune » fortement inspiré par Edgar Allan POE. La suite de la série est bien moins percutante et parfois peu convaincante. En 1910 changement de créneau avec « Le fantôme de l’opéra », roman gothique à l’atmosphère fantastique.

1911 voit la parution de « Sous les yeux de l’occident » du polonais Joseph CONRAD, roman-fresque Dostoïevskien qui marque les esprits. Mais revenons voir du côté de Gaston LEROUX, qui invente en 1913 le personnage de Chéri-Bibi, bagnard anarchisant et malheureux dans des aventures truculentes. Les deux premiers volets « Les cages flottantes » de 1913 puis « Chéri-Bibi et Cécily » sont à découvrir, les trois volumes suivants sont plus anecdotiques.

Terminons ce cycle avec le seul recueil de poésie de la liste, rédigé en 1914, soit l’ultime année choisie pour notre présentation. Et quel recueil ! « Le gardeur de troupeaux » du portugais Fernando PESSOA est peut-être ce que la poésie offre de plus fort. PESSOA a laissé un héritage énorme dans la littérature mondiale, autant en quantité qu’en qualité. Je l’ai découvert récemment avec un rare entrain, aussi je devrais vous en parler sur ce blog un peu plus en détails dans les prochains mois.

Bonus

 


S’il m’avait fallu empiéter sur l’entre-deux guerres, je vous aurais à coup sûr recommandé les auteurs suivants : les poétesses russes Marina TSVETAÏEVA et Anna AKHMATOVA, le roman russe « Roman avec cocaïne » du mystérieux M. AGUEEV, ainsi que l’auteur russe Evguéni ZAMIATINE. J’aurais traversé plus franchement l’Atlantique pour y dénicher quelques perles de John DOS PASSOS (la trilogie « U.S.A. » me semble bien être l’un des romans les plus ambitieux et les plus vertigineux jamais écrits, parcourez-le un jour ne serait-ce que par curiosité, sensation unique), ou de John STEINBECK. En France j’aurais opté sans aucune retenue pour Albert CAMUS, Panaït ISTRATI (roumain mais d’écriture française, par ailleurs très présent sur ce blog), André GIDE (pas tout, loin s’en faut), Jean GIONO (même constat), ou les solides et marquants romans de Paul NIZAN. Les tchèques Franz KAFKA, à coup sûr l’un des plus grands (« Le château » et « Le procès » sont à lire et à relire, et je suis frustré que « La métamorphose » n’ait été écrit qu’en 1915, soit après la date couperet du présent billet) et Karel ČAPEK (découvert récemment). L’anglais George ORWELL reste une figure majeure de cette période, tout comme le belge Georges SIMENON même si celui-ci écrira jusqu’en 1972 (et ses mémoires plus tard), sans oublier l’autrichien Stefan ZWEIG.

Conclusion

Avec ce texte en forme de liste, de références littéraires, peut-être trouverez-vous le temps ou/et l’envie de vous pencher sur certains auteurs ou quelques œuvres ici présentées, c’est tout le mal que je vous souhaite.

 (Warren Bismuth)

7 commentaires:

  1. Ah mais alors cette chronique ! J'adore ! Et ce que j'aime le plus, c'est le fait de trouver des noms qui me sont chers mêlés à des références qui me sont totalement inconnues. Bref, je prends quelques notes pour l'année à venir.
    (Et je n'ai jamais réussi à lire Don Quichotte jusqu'au bout...)
    Quitte à me répéter, je suis ravie que tu aies rejoint l'équipe, même en cours de route ! Que cela dure encore !

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    1. Ma chronique de mai est déjà rédigée, donc vous allez devoir me supporter encore quelque temps 😂

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  2. Comme d'habitude, tu nous présentes une chronique super intéressante truffée de références que je ne connais pas du tout. Et bravo, je crois bien que tu es la seule personne que je connaisse qui ait lu les Rougon-Macquart en entier. J'aimerais tellement y parvenir aussi !!

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  3. Ha, je vois que nous sommes plusieurs à citer La Religieuse. :)

    Bravo pour les Rougon-Macquart : j'ai pour objectif de les lire tous dans l'ordre chronologique, mais je suis encore trèèès loin du compte ! :D

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  4. La Religieuse est citée plusieurs fois, il faut que je découvre ce texte!
    J'ai Don Quichotte à la maison mais je t'avoue que ce livre m'effraie! Un jour, peut-être...
    Le Vagabond des étoiles est aussi dans ma PAL mais en version BD :-D, j'espère lire l'original aussi.
    Pour les romans que je ne connais pas, un m'intrigue: ROman avec cocaïne ! Je vais me renseigner!

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    1. M. Agueev est un auteur obscur russe qui n'a écrit qu'une nouvelle et ce roman (avec cocaïne) qui fut longtemps attribué à tort à d'autres écrivains tant l'auteur avait su brouiller les pistes. Roman très marquant, écrit de surcroît en URSS ! Un sacré souvenir de lecture qui est chroniqué quelque part sur ce blog.

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