dimanche 17 avril 2022

Jean-Luc PORQUET « Le grand procès des animaux »

 


« Un procès à grand spectacle. Sous l’œil des caméras du monde entier. On fait défiler des animaux. Chacun d’eux doit expliquer pourquoi, d’après lui, son espèce mérite d’être préservée. Pourquoi les humains devraient s’évertuer à protéger son territoire, son écosystème ». Ainsi commence le préambule…

Quel livre original que voici. Mais commençons par le commencement : durant l’été 2021, le Canard Enchaîné fait paraître une rubrique de Jean-Luc PORQUET intitulée « Le grand procès des animaux ». Durant plusieurs semaines, ce feuilleton est présenté tous les mercredis en page centrale de l’hebdomadaire et met en scène des procès fictifs où des animaux en voie d’extinction viennent expliciter leur rôle déterminant dans notre monde, dans sa biodiversité, dans la chaîne alimentaire, dans l’équilibre environnemental.

Quelques mois plus tard, ces textes paraissent, agrémentés d’autres, toujours sur le même principe. Un chapitre par bestiole, du hibou grand-duc au renard, en passant successivement par la martre, l’arénicole (ver de vase), le martinet noir, le sanglier, la vipère d’Orsini et le papillon Vulcain. Tous viennent défendre les raisons mêmes de leur existence dans un huis clos théâtral avec un président de séance.

Des traits d’humour viennent colorer l’ambiance, le grand-duc déclarant « Mon ouïe est inouïe », quand la martre accuse l’humain frontalement : « Ma mauvaise réputation, c’est votre mauvaise conscience », elle qui avec sa maturité tardive n’est pas rentable en captivité. Ici, les modes de vie, les particularités mais aussi l’ancienneté sur terre des animaux présentés sont mises en avant de manière pédagogique, jamais pompeuse quoique technique, le message est simple et accessible. On s’y amuse mais on apprend beaucoup, avec cet étonnant martinet qui jamais ne se pose, la vipère d’Orsini autant victime du réchauffement climatique que…  du ski ! Et ce fascinant portrait du Vulcain, un papillon. Pour finir sur la sulfureuse image (à tort) du renard.

En fin de volume, le jugement, entre philosophie, pamphlet écologique et simple bon sens, il est puissant, engagé. « Toute espèce vit, se transforme, s’adapte aux conditions éternellement changeantes sur cette Terre. Puis elle disparaît. Vos savants s’en sont aperçus, aucune espèce n’est éternelle. Rares sont celles qui dépassent les cinq millions d’années. Tel est donc le temps qui vous reste. N’est-ce pas énorme, inimaginable, magnifique ? C’est comme si vous étiez un gamin de trois ans ayant toute la vie devant lui ».

Discours offensif mais pas agressif, lucidité sur le désastre en cours, et pourtant, cette lueur d’espoir propre à PORQUET, journaliste central du Canard Enchaîné depuis 1994, militant écologiste, plutôt libertaire, infatigable bonhomme sur tous les fronts dès que la planète est en danger. Il est l’une des consciences du Canard, il en est l’un de ses piliers. Il est accompagné dans cet ouvrage par un autre « Canard historique », Jacek WOŹNIAK, dessinateur depuis 1986 dans le journal, et qui croque ici avec talent des animaux qui peuvent nous être peu familiers. Entre théâtre illustré, essai, documentaire, ce livre à la sobre et efficace couverture cartonnée vient à point nommé dans un bouleversement environnemental majeur. Il est sorti en 2021 aux toutes nouvelles éditions du Faubourg dont je vous recommande chaudement le catalogue. Pour aller plus loin, plusieurs pages bibliographiques à la fin du présent volume. Et un coup de cœur de plus dans la musette, ça change des cadavres d’animaux ! Merci monsieur PORQUET pour tout votre travail depuis des décennies.

https://editionsdufaubourg.fr/

 (Warren Bismuth)

2 commentaires:

  1. Dans le même esprit et du même auteur j'ai lu "Lettre au dernier grand pingouin" : très fort aussi.

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    1. Merci, je note, j'apprécie beaucoup Porquet !

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