Chaque année, le blog Book’ing propose un challenge original dont le thème change tous les mois de janvier : inviter des blogueurs à participer durant l’année en cours sur un vaste sujet afin d’en dresser une conséquente bibliographie. 2024 est « Lire sur les mondes ouvriers et le monde du travail ». Je vous livre le lien explicatif :
https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2024/01/2024-lire-sur-le-monde-ouvrier-les.html
Il se trouve que Des Livres Rances venait tout juste, fin 2023, de terminer un tout petit bouquin qui coche toutes les cases du challenge en question, celui de Jacques JOSSE « Postier posté ». Voici donc ma première participation à ce challenge, d’autres titres en rapport avec les mondes ouvriers et le monde du travail viendront rythmer l’année en cours.
Grande plume de la poésie française, Jacques JOSSE a opté, pour ce bref texte, pour l’abandon de ce format, privilégiant un récit plus « classique ». Au fil de son œuvre, l’auteur se dévoile peu, n’apparaît pas souvent directement, il dépeint plutôt ses aïeuls lorsqu’il décide de nous entretenir de sa famille. Pour le reste, il se focalise sur les petites gens, les sans voix, les anonymes qu’il croise sur son chemin. Ici, exceptionnellement il choisit un format en partie autobiographique. En partie seulement, car même lorsque Jacques JOSSE tente de parler de lui, sa pensée fuit immédiatement sur les à-côtés.
Ce texte n’est pas précisément une nouveauté, il devait originellement paraître dans la revue « Travers », mais cette dernière périclita et le texte resta inédit. Si JOSSE retourne le projecteur sur lui, c’est pour évoquer une partie précise de sa vie : son travail au sein du tri postal de Trappes dans les Yvelines.
L’espace-temps est délaissé, Jacques JOSSE intègre la banlieue parisienne, venant de sa Bretagne, et s’établit au septième étage d’une tour. Il trie environ deux mille lettres par heure et, pour tenir, il lui faut quelques rasades de la poésie de Franck VENAILLE notamment. Car le quotidien n’est guère brillant : gestes répétitifs devenant douloureux, abrutissants, alors que se dressent de nouvelles constructions dans une ville neuve de banlieue.
Jacques JOSSE est un poète avant tout. Alors il scrute autour de lui, il observe et traduit en de courtes séquences du quotidien. Dans ce texte, tout est mouvement, tout est bruit, le repos est difficile. Viennent les nouvelles technologies avec ces nouvelles machines, monstres de rapidité destinés à remplacer l’homme. Un monde s’évapore, laissant place à l’avenir.
Car il est bien question de basculement irrémédiable dans ce texte sensible, la modernité vient s’imposer, laissant le travail à la chaîne derrière elle, du moins le transformant. JOSSE prend du recul, écume les bars, écoute, regarde. Et bien plus tard, se repenche : « Ce qui reste, des décennies plus tard, de ces années vécues à cent à l’heure, avec accrochée au corps une fatigue qui pèse peu comparée à celle, vicieuse, qu’on ne voyait pas venir mais qui usait en secret, à petit feu, en partie à cause des horaires décalés, la mécanique des nerfs, ce sont les luttes incessantes, les braseros devant la grille d’entrée, les piquets de grève salvateurs, les coups de gueule, les coups de poing ».
Homme de poésie, JOSSE se remémore des vers, des extraits de poèmes traitant du monde des postiers, leur rend hommage, les cite, les partage. « Postier posté » est un petit texte intimiste, le témoignage d’une époque révolue. Il est accompagné par les pastels à l’huile de Georges LE BAYOU et a été publié en 2023 aux éditions bretonnes La Folle Avoine. En « bonus », une enveloppe arrimée à la couverture et renfermant une lettre de Jules MOUGIN, datée de l’année 2000 et destinée à l’auteur.
Mon petit doigt me dit qu’un prochain livre de cet auteur est prévu imminemment dans la collection L’orpiment des éditions le Réalgar…
http://www.editionsfolleavoine.com/
(Warren Bismuth)
Un grand merci pour cette première participation avec un titre par ailleurs très tentant.
RépondreSupprimerMerci à l'organisatrice !
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