mercredi 4 octobre 2017

Georges SIMENON « Le rapport du gendarme »


critiquesLibres.com : Le rapport du gendarme Georges Simenon

Un roman écrit en 1944, en pleine occupation, période durant laquelle SIMENON fut très prolifique, trop. Car beaucoup a déjà été évoqué sur cette période trouble de son existence. Certes, il n’aurait pas collaboré (respectons le conditionnel, des rumeurs continuent aujourd’hui encore de grossir le passé déjà noir du romancier), mais il n’a pas été ne serait-ce qu’effleuré par l’esprit de résistance au nazisme, il a vécu en Vendée et en Charente-Maritime, comme si rien ne se déroulait à l’extérieur, comme si aucune guerre, aucun combat n’étaient en train d’éclater et de décider de l’avenir du monde. Il a été lâche, très lâche. Cette période est sempiternellement restée comme un caillou dans sa godasse. Bref, venons-en au roman proprement dit. Comme pour contredire ce qui a été dit et écrit sur le romancier SIMENON, celui-ci n’a pas toujours désigné le lieu d’action de ses romans dans un cadre géographique qu’il n’habitait plus, comme pour mieux s’imprégner de l’atmosphère a posteriori. En effet, ce roman se situe en Vendée, dans le département même où SIMENON l’habitait quand il l’a écrit. Une famille d’agriculteurs, les Roy, découvre sur le bord de la route au pied d’un arbre un homme grièvement blessé, une voiture lui a roulé dessus. Les Roy vont héberger l’homme chez eux, refusant de le faire transporter à l’hôpital, pourquoi ? Le brigadier Liberge se rend sur place et rédige un rapport. Ce brigadier est assez envahissant par sa présence et ses questions embarrassantes. De lourds secrets semblent peser sur la famille Roy, un passé bien rance va surgir au fil du roman. Quant à l’homme blessé, le choc l’a rendu amnésique, et même s’il survit rien n’est moins sûr qu’il donne des informations. Un SIMENON classique, un vrai roman dur, noir et spongieux. Cette famille Roy peut rappeler par certains traits la famille DOMINICI (oui, l’affaire DOMINICI, le meurtre de la famille DRUMOND sur une route de campagne, fait divers qui aura lieu seulement huit ans après l’écriture du présent roman, je ne me transformerai cependant pas en fier et arrogant complotiste ou révisionniste près à chercher un point commun entre le livre et le fait divers, ni à aller soupçonner le livre de SIMENON d’avoir servi d’exemple, un peu de tenue bon sang ! Certes j’extrapole volontairement, mais avouez quand même que ce serait un beau sujet de discussion dans les milieux autorisés de la théorie du complot !). Le blessé, paradoxalement personnage principal et secondaire car comme absent, peut rappeler quant à lui Anselme MANGIN, le célèbre amnésique revenu de la première guerre mondiale sans aucun souvenir (on le baladera au gré du vent pour le faire reconnaître par des tas de familles certaines qu’il est des leurs, une histoire pathétique). Il est apathique et silencieux. On se demande même s’il comprend le français. L’ambiance générale de ce roman se situe proche de « la nuit du carrefour », un « Maigret » de choix (peut-être l’un des meilleurs). D’ailleurs, ce Liberge possède des traits de personnalité que n’aurait pas renié le père Maigret. En somme, plusieurs éléments qui font de ce roman un excellent cru où la noirceur est bien sûr palpable, un roman dur peut-être un tantinet plus proche d’un vrai polar que la plupart des autres de la catégorie. SIMENON, malgré son passé, son passif, et même s’il ne doit en aucun cas en être dédouané, reste l’un des grands auteurs du XXème siècle, ce livre le montre par une écriture au cordeau et une ambiance unique.


(Warren Bismuth)

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