vendredi 2 février 2018

Marion GUILLOT « C’est moi »


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Un roman qui commence par la fin, lorsque la narratrice et son compagnon Tristan se rendent à l’enterrement d’un ami proche, très proche, trop proche, Charles-Valentin, dit Charlin. Comment est-il mort ? Retour sur une tranche de vie particulière, une sorte de ménage à trois platonique et non désiré pour au moins une partie des protagonistes. Le fameux Charlin, genre de binôme de Tristan, leur rend visite, souvent, pour ne pas dire toujours. Il vit presque avec eux, chez eux, est envahissant, intrusif. Un jour Tristan veut faire une surprise à sa petite amie, lui bande les yeux, la guide dans son obscurité à elle jusqu’à leur domicile conjugal : en son absence il a recouvert un pan de mur entier d’une photographie de la narratrice dans l’appartement, photo agrandie jusqu’à l’obscène et prise au Portugal pendant des vacances. Photo immense, comme un trompe l’œil gigantesque. Problème : sur le cliché la femme est à poil (« C’est moi »). Enfin, pas tout à fait, elle porte un stetson sur la tête. La situation se corse lorsqu’elle apprend que c’est Charlin qui a aidé Tristan à transporter l’encombrant présent. Mieux, il s’est fait payer pour ce travail. Une irrémédiable envie de meurtre s’empare de la narratrice, touchée dans son intimité, et par ailleurs salariée dans l’industrie pharmaceutique, alors que Tristan, licencié, passe ses journées à traînailler sur le canapé quand ce n’est pas dans le lit. Seulement, un meurtre, c’est beaucoup plus facile à envisager, à fantasmer, qu’à réaliser. Deuxième roman de Marion GUILLOT, le premier « Changer d’air » de 2015 m’avait fait l’effet d’une bouée voire d’un tuba (le thème de l’eau y étant omniprésent), original, enlevé, inquiétant tout en restant léger dans le style. Ici l’eau est encore de rigueur (la photo prise au bord de la mer par exemple), mais bien moins, les bases narratrices sont similaires. L’écriture y est minutieuse, recherchée. En préambule une phrase de Samuel BECKETT tirée de « En attendant Godot ». Il y a en effet du BECKETT chez Marion GUILLOT, une once d’absurdité, une fausse naïveté, mais le fond (de la mer ?) est tragique. D’accord, dès le début on connaît l’épilogue, mais on est impatient de savoir comment le trio infernal a bien pu en arriver là. Le mystère sera rapidement éclairci, le roman ne s’étalant que sur 110 pages, avec des dialogues inclus dans la narration, mis en exergue par des italiques. Deuxième essai brillamment transformé pour Marion GUILLOT qui signe un roman à la fois psychologique, métaphysique avec une écriture toute particulière qui sied à merveille aux ÉDITIONS DE MINUIT qui ont sorti en cette année 2018 cette petite perle. M’est avis qu’il faudra suivre madame GUILLOT de très près les prochaines années, une auteure que l’on peut d’ores et déjà qualifier d’aquatique.

(Warren Bismuth)

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