vendredi 16 mars 2018

Éric LIBERGE, Gérard MORDILLAT & Jérôme PRIEUR « Le suaire – Premier tome, Lirey, 1357 »


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Nouvelle série BD qui sera sous forme de trilogie (j'ignore les prévisions de dates de parution des deux prochains volets). Penchons-nous calmement sur ce premier tome. Ouvrons-le. Et là tout de suite un choc. Pardon, LE choc. Non mais franchement, les dessins. Avant même de lire le scénario. Comme ça, à froid. Coup de foudre. Cœurs en suspens. C’est pas humain. On frise la perfection, du noir et blanc hyper stylisé, détaillé jusqu'à l'obsession, à chaque vignette ou presque une sorte de fresque devant laquelle on reste longtemps en pâmoison (pourquoi ça me rappelle par moment les dessins de MOISAN dans « Le Canard Enchaîné » des années 1960 ? Les pages pleines de MOISAN représentant un DE GAULLE monarque). Du noir très noir et du blanc immaculé. Devant une telle beauté on en oublierait presque de lire les bulles.

Cette trilogie sera sous le signe du Saint Suaire, une épopée du tissu dans lequel fut enveloppé le christ à sa mort. Si le deuxième volume se déroulera au XIXème siècle à Turin et le troisième dans l'Espagne contemporaine, ce premier a lieu en France, en Champagne plus précisément, du côté de Troyes en 1357. L'énigme n'est à vrai dire pas spectaculaire au fond, pas d'infernaux rebondissements. Dans un pays touché par la peste, Lucie aime son cousin Henri, évêque de Troyes, et souhaiterait l'épouser. Seulement il y a Thomas, prieur de l'abbaye de Lirey, sorte de gourou qui va entraîner Lucie dans un pacte morbide : fabriquer un faux suaire du christ pour haranguer les foules et remplir l'église de fidèles car la communauté a besoin d'argent pour construire une abbatiale afin de recevoir un morceau de La Vraie Croix (un bout de la croix du christ durant sa crucifixion sur le mont Golgotha).

Pas de quoi se relever la nuit me direz-vous. Peut-être, mais les dialogues sont bien écrits (par Gérard MORDILLAT et Jérôme PRIEUR, nom prédestiné pour ce genre de projet). Les deux lascars ont déjà un joli CV ensemble puisque à quatre mains ils ont entre autres sorti des films et séries documentaires (« Corpus Christi », « L'origine du christianisme », c'était eux) et des essais sur Jésus. En carrière individuelle et rien qu'en romans, MORDILLAT en a pondu une trentaine (la plupart pour la jeunesse). PRIEUR est spécialisé dans les documentaires (écrits et filmés) et essais, solide liste de publications pour lui aussi.

Revenons au présent volume : il y a cette intrigue concernant le suaire : en existe-t-il un vrai de vrai quelque part souillé de la sudation du christ alors qu'il semble si aisé d'en inventer de faux ? Quant aux dessins, je ne reviendrai pas sur leur élégance maximale, je rappellerai néanmoins qu'Éric LIBERGE a déjà commis pas mal de BD, dont les séries « Les corsaires d'Alcibiade » et « Monsieur Mardi-Gras Descendres » (entre autres), des biographies (notamment sur STALINE et Alan TURING). Rarement je me trouve à contempler aussi longtemps les dessins d'une BD sans me précipiter sur la lecture des dialogues. Je vous lance un défi : allez visiter votre magasin de bandes dessinées favori, demandez l'ouvrage en question, asseyez-vous et commencez à tourner les pages en observant les dessins, sans vous préoccuper de la lecture, je suis sûr que ça va fonctionner. Un conseil : ne prévoyez pas de rendez-vous chez le dentiste juste après car vous pourriez fort bien lui poser un lapin et lui donner l'opportunité de se venger sur vos molaires lors de la prochaine séance.

Bref, ces dessins possèdent une force inouïe qui est tout bonnement hypnotique, une raison pour faire durer cette lecture, encore et encore, car ces 70 pages passent très vite. Le projet de proposer une trilogie courant sur 3 époques séparées de sept siècles semble très ambitieux, attendons les deux prochains volumes, mais nul doute que la claque des dessins sera encore bien présente. C'est sorti chez FUTUROPOLIS en 2018 et c'est plus que prometteur.

(Warren BISMUTH)


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